en. Mais,
moi, j'endosserais, sans conviction et sans lumieres suffisantes, une
trop forte responsabilite; a moins de faire aussi des reserves, et,
alors, a quoi bon une preface? Ca ne serait pas clair, ca ne paraitrait
pas franc. Je vous dis donc _non_, apres vous avoir dit _oui_, parce
que, au dernier moment, quand vous m'enverriez les epreuves, nous ne
serions pas d'accord et il serait trop tard pour nous y mettre. Allez
droit devant vous, bravez seul, et sans donner le bras a une femme, ce
que vous voulez braver.
Votre ouvrage, si remarquable d'execution, et riche a tant d'egards,
gagnera a se presenter seul, je vous en reponds. Consultez de vrais
amis, des gens de gout, ils vous diront comme moi.
G. SAND.
DCXXIII
A GUSTAVE FLAUBERT, A CROISSET
Paris, 9 janvier 1867.
Cher camarade,
Ton vieux troubadour a ete tente de claquer. Il est toujours a Paris. Il
devait partir le 25 decembre; sa malle etait bouclee; ta premiere lettre
l'a attendu tous les jours a Nohant, Enfin, le voila tout a fait en etat
de partir et il part demain matin avec son fils Alexandre, qui veut bien
l'accompagner.
C'est bete d'etre jete sur le flanc et de perdre pendant trois jours la
notion de soi-meme et de se relever aussi affaibli que si on avait fait
quelque chose de penible et d'utile. Ce n'etait rien, au bout du compte,
qu'une impossibilite momentanee de digerer quoi que ce soit. Froid,
ou faiblesse, ou travail, je ne sais pas. Je n'y songe plus guere.
Sainte-Beuve inquiete davantage, on a du te l'ecrire. Il va mieux aussi,
mais il y aura infirmite serieuse, et, a travers cela, des accidents a
redouter. J'en suis tout attristee et inquiete.
Je n'ai pas travaille depuis plus de quinze jours; donc, ma tache n'est
pas avancee, et, comme je ne sais pas si je vas etre en train tout de
suite, j'ai donne _campo_ a l'Odeon. Ils me prendront quand je serai
prete. Je medite d'aller un peu au Midi, quand j'aurai vu mes enfants.
Les plantes du littoral me trottent par la tete. Je me desinteresse
prodigieusement de tout ce qui n'est pas mon petit ideal de travail
paisible, de vie champetre et de tendre et pure amitie. Je crois bien
que je ne dois pas vivre longtemps, toute guerie et tres bien que je
suis. Je tire cet avertissement du grand calme, _toujours plus calme_,
qui se fait dans mon ame jadis agitee. Mon cerveau ne procede plus que
de la synthese a l'analyse; autrefois, c'etait le contrai
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