ie. Ca ne vous ressemble pas, a vous qui etes
gaie, qui dansez la bourree, qui appreciez le lepidoptere, qui ne
meprisez pas le calembour, qui ne cousez pas mal et qui faites tres bien
les confitures." Quand definitivement son interieur fut trouble, vers
1831, quand les projets d'un avenir a sa guise eurent pris le dessus,
quand on lui eut accorde une miserable pension et la liberte, qui devait
plus tard se transformer en une separation legale a son profit, quand
elle fut arrivee a Paris pour y courir les risques effrayants d'une
existence completement affranchie, ce fut alors que l'on connut Mme
Sand, une femme nouvelle avec un nom nouveau. Ce fut Henri Delatouche
qui la baptisa ainsi. Sand restait indivis entre Jules Sandeau et elle,
reunis par une collaboration pour la premiere oeuvre. On fut vite
d'accord sur les prenoms. Sandeau garda le sien; George etait synonyme
de Berrichon. "Jules et George, inconnus au public, passeraient pour
freres ou cousins." Les deux noms conquirent bientot une celebrite qui
les separa de plus en plus l'un de l'autre.
Nous ne racontons pas une biographie, nous essayons seulement de tracer
une esquisse psychologique. Notre dessein etait de noter les epreuves
diverses et les phases intellectuelles qui avaient marque la jeunesse de
Mme Sand. Elle arrivait a la vie litteraire avec un fonds de souffrances
tres reelles, bien qu'exagerees sans doute par une imagination forte,
d'emotions intimes et d'agitations religieuses, irritee plutot
qu'apaisee par des lectures sans regle, avec une sensibilite aigue et
raffinee, un dedain profond pour les verites relatives dont il faut bien
parfois se contenter dans le train du monde, la haine instinctive de
tous les jougs qu'impose la loi ou l'opinion, l'horreur innee de tout ce
qui engage la liberte de la pensee ou celle du coeur. Ajoutez a cela
qu'elle se trouve, presque a son coup d'essai et par le miracle d'une
nature prodigue, en possession d'un _style_ merveilleux, qui semble fait
tout expres et comme prepare pour recevoir son ardente pensee, qui
s'etait forme tout seul et sans conseils, depuis la longue serie des
petits cahiers consacres a l'epopee de _Corambe_ jusqu'au premier roman
qu'elle donnera au public.
Comment se fit la premiere revelation de son talent d'ecrire? il est
curieux d'en connaitre l'origine. Ce fut vers la fin du dernier automne
qu'elle passa a Nohant. Elle avait beaucoup lu Walter Scott, dont les
traces se retrouvent dans plu
|