ons sociales. Alors, autour de cette femme inspiree, de
ce poete applaudi, de cet ecrivain deja populaire, vous verrez se
presser en foule les docteurs de la renovation universelle, les
empiriques et les utopistes, les sophistes et les reveurs, les apotres
sinceres et les charlatans de la question sociale, les exploiteurs et
les exploites, les ambitieux et les naifs. Ils ont trouve dans George
Sand l'eclatant porte-voix de leurs doctrines. C'est a qui lui proposera
un plan nouveau, un systeme inedit, la philosophie, la politique, la
religion de l'avenir. La nature de Mme Sand la predisposait a subir le
despotisme des convictions apres et des imaginations fortes. Fanatique
du bien absolu ou, a son defaut, d'un mieux immediat, reve plutot
qu'experimente, plus paresseuse a concevoir l'idee qu'a la mettre en
oeuvre, reconnaissant elle-meme que l'initiative intellectuelle lui
manque, elle laisse envahir toute une periode de sa vie par l'utopie
politique, par le vague desir d'un age d'or sur l'avenement duquel tout
le monde est d'accord autour d'elle, sans que chacun renonce a son plan
pour le faire eclore, et a son programme particulier pour le realiser.
Enfin, un beau jour (oui, ce fut un beau jour pour son talent et sa
gloire) elle eprouvera comme une grande lassitude de cette agitation
d'idees dans le vide, de ces theories, immaculees et superbes tant
qu'elles demeurent sur le trone interieur de la pensee pure, et qui, des
qu'elles descendent dans les aventures de la politique active et dans
les mouvements de la rue, se laissent _avilir et souiller par les
evenements_. Ce grand esprit, qui a l'horreur de la violence, rentrera
en soi sous une impression de fatigue et de degout; elle fera, si j'ose
dire, une retraite spirituelle en elle-meme dans le sanctuaire de ses
plus chers souvenirs; elle se rendra a l'appel energique que lui font
ses secrets instincts, trop longtemps froisses par la discussion
violente et la lutte ingrate; elle reviendra a son gout pour la
campagne, pour ces champs du Berry, theatre de la premiere poesie de ses
reveries d'enfant; il y aura en elle comme une eclosion soudaine et
inesperee de souvenirs frais et charmants, d'emotions exquises et
saines. Enfin, nous nous reposerons avec elle de toutes les agitations
et de toutes les haines; la douce lumiere, un peu voilee, de la campagne
natale finira par eclipser l'eclat fievreux du reformateur, le reve
enflamme du poete humanitaire.
N'est-ce pas la pre
|