sieurs de ses romans.
Elle ebauchait, pendant ces mois tristes, a travers ses longues
promenades, l'idee d'une espece de roman qui ne devait jamais voir le
jour et qu'elle ecrivit sur la tablette d'une vieille armoire, dans
l'ancien boudoir de sa grand'mere, pres de ses enfants: "L'ayant lu,
dit-elle avec candeur, je me convainquis qu'il ne valait rien, mais que
j'en pouvais faire de moins mauvais", et comme elle etait alors tres
preoccupee du choix du metier qui lui assurerait sa liberte a Paris,
elle vint a penser qu'en somme il n'etait pas plus mauvais que beaucoup
d'autres qui, tant bien que mal, faisaient vivre. "Je reconnus que
j'ecrivais vite, facilement, longtemps, sans fatigue; que mes idees,
engourdies dans mon cerveau, s'eveillaient et s'enchainaient, par la
deduction, au courant de la plume; que dans ma vie de recueillement
j'avais beaucoup observe et assez bien compris les caracteres que le
hasard avait fait passer devant moi, et que, par consequent, je
connaissais assez la nature humaine pour la depeindre." Cela
l'encouragea dans sa tentative; elle en conclut que, de tous les petits
travaux dont elle etait capable, la litterature proprement dite, dont
elle avait le gout et l'instinct confus, etait celui qui lui offrait le
plus de chances de succes comme metier. Elle fit son choix. Mais elle
avait bien hesite auparavant; elle avait essaye des portraits au crayon
ou a l'aquarelle en quelques heures. C'etait ressemblant, parait-il,
mais cela manquait d'originalite. Elle crut un instant avoir trouve son
aptitude veritable: elle peignait avec gout des fleurs et des oiseaux
d'ornement, des compositions microscopiques sur des tabatieres et des
etuis a cigares en bois de Spa. Elle faillit meme en vendre un
quatre-vingts francs, chez un marchand a qui elle l'avait confie. A quoi
tiennent les destinees litteraires! Si elle en avait obtenu cent francs,
ce qu'elle demandait en tremblant, sans croire que ce fut possible,
_Consuelo_ et _la Mare au Diable_ n'auraient jamais paru. Heureusement
la mode de ces objets passa vite, et Mme Dudevant fut obligee de
chercher ailleurs ce qu'elle avait cru trouver la, _son gagne-pain_. Le
mot est d'elle; il etait strictement vrai dans les conditions qui lui
etaient faites. Elle avait a payer de son travail son passage a travers
la vie libre, apres qu'elle avait d'abord et de guerre lasse abandonne
tous ses droits a son mari, pour racheter son independance. Ce mari, que
nous ne retr
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