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La coupe est maintenant remplie de pieces d'or.
Allons donc! cent esclaves, des soldats, une foule, de quoi acheter ...
Les granulations de la bordure, se detachant, forment un collier de
perles.
Avec ce joyau-la, on gagnerait meme la femme de l'Empereur!
D'une secousse, Antoine fait glisser le collier sur son poignet. Il
tient la coupe de sa main gauche, et de son autre bras leve la torche
pour mieux l'eclairer. Comme l'eau qui ruisselle d'une vasque, il s'en
epanche a flots continus,--de maniere a faire un monticule sur le sable,
--des diamants, des escarboucles et des saphirs meles a de grandes pieces
d'or, portant des effigies de rois.
Comment? comment? des staters, des cycles, des dariques, des aryandiques!
Alexandre, Demetrius, les Ptolemees, Cesar! mais chacun d'eux n'en avait
pas autant! Rien d'impossible! plus de souffrance! et ces rayons qui
m'eblouissent! Ah! mon coeur deborde! comme c'est bon! oui!... oui!...
encore! jamais assez! J'aurais beau en jeter a la mer continuellement,
il m'en restera. Pourquoi en perdre? Je garderai tout; sans le dire a
personne; je me ferai creuser dans le roc une chambre qui sera couverte
a l'interieur de lames de bronze--et je viendrai la, pour sentir les piles
d'or s'enfoncer sous mes talons; j'y plongerai mes bras comme dans des
sacs de grain. Je veux m'en frotter le visage, me coucher dessus!
Il lache la torche pour embrasser le tas; et tombe par terre sur la
poitrine.
Il se releve. La place est entierement vide.
Qu'ai-je fait?
Si j'etais mort pendant ce temps-la, c'etait l'enfer! l'enfer
irrevocable!
Il tremble de tous ses membres.
Je suis donc maudit? Eh non! c'est ma faute! je me laisse prendre a tous
les pieges! On n'est pas plus imbecile et plus infame. Je voudrais me
battre, ou plutot m'arracher de mon corps! Il y a trop longtemps que je
me contiens! J'ai besoin de me venger, de frapper, de tuer! c'est comme
si j'avais dans l'ame un troupeau de betes feroces. Je voudrais, a coups
de hache, au milieu d'une foule ... Ah! un poignard!...
Il se jette sur son couteau, qu'il apercoit. Le couteau glisse de sa
main, et Antoine reste accote contre le mur de sa cabane, la bouche
grande ouverte, immobile,--cataleptique.
Tout l'entourage a disparu.
Il se croit a Alexandrie sur le Paneum, montagne artificielle qu'entoure
un escalier en limacon et dressee au centre de la ville.
En face de lui s'etend le lac Mareotis, a droite la mer, a gauche
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