Ni les grands hommes et les nobles
femmes de Balzac n'apparaissent dans _les Rougon-Macquart_, ni les
fervents ambitieux de Stendhal, ni les fins artistes de Goncourt. M.
Zola a constamment propose a son analyse des caracteres simples et
sains, ou desequilibres par une maladie concrete. La facilite choisie de
cette tache permet qu'on l'accuse de manquer de psychologie, defaut dont
la presence est confirmee par la fixite de ses caracteres.
En tous ses livres, sauf l'_Assommoir_, les personnages restent les
memes du commencement a la fin, sans que leur vie, dont l'instabilite
normale est scientifiquement admise[8], varie d'un lineament. Bien
plus, dans quelques-uns des livres recents de M. Zola, notamment dans
_Nana_, le _Bonheur_, _Germinal_, le romancier, tout en conservant une
vue tres nette des lieux ou se passe son action, et d'excellentes
aptitudes descriptives, a si bien simplifie le mecanisme de ses
personnages, leur prete des conversations si banales et des caracteres
si generaux, qu'ils perdent toute individualite nette. Au milieu de
decors magnifiquement visibles, circulent des ombres d'autant plus
tenues. Enfin, M. Zola, comme tous les ecrivains peu aptes a imaginer le
mecanisme interieur de la machine humaine, et comme aucun des romanciers
psychologues, montre les actes de ses personnages de preference a leurs
raisonnements, les effets plutot que les causes. De sorte que, le
lecteur voyant ces creatures, de visage et de caractere nettement
defini, reagir aux evenements sans hesitation, sans debat, sans trouble,
d'une facon constamment consequente, identique et directe, se sent
parfois en presence d'etres trop simples pour des hommes.
De meme, mais dans une plus faible mesure, les descriptions de M. Zola
ne sont pas materiellement exactes. Tout artiste choisit entre les
diverses sensations d'un ensemble celles que ses nerfs lui permettent de
sentir le plus vivement. Pour M. Zola, cette selection porte evidemment
sur les odeurs et les couleurs. Les Halles sont decrites autant en
termes olefiants qu'en termes colores. Le parterre du Paradou est aussi
plein de parfums que de corolles; et de la femme M. Zola connait les
senteurs comme les incarnats. Toute page atteste de meme le colorisme du
romancier. De l'etal d'une poissonnerie il retient le cinabre, le
bronze, le carmin et l'argent plutot que le fusele des formes. Le jardin
d'Albine est depeint en larges touches roses et bleues et vertes. Du
cortege baptism
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