rase Paris de ses
magasins, tous les grands hommes du romancier sont robustes, puissants,
actifs sans compter, acharnes en besogne, s'acquittant dans le monde de
leur tache de force vive, resumes en ce colossal Eugene Rougon qui,
solide et dur des epaules a l'ame, a la sourde tension d'une machine
sous vapeur.
Et si les hommes degagent ainsi leur force musculaire et volitionelle,
les femmes exhalent, au profit de l'espece, la seduction de leur
sensualite. Que ce soit le simple et presque symbolique attrait d'une
enfant ignorante pour un enfant oublieux, ou la salacite diffuse d'une
troupe de jeunes poissardes entourant de leurs gorges rebondies un
souffreteux jeune homme, l'impudique nudite d'une courtisane italienne
achetant le pouvoir de la rondeur de ses membres ou la prostitution
d'une harscheuse, femelle a tous les males, la femme, chez Zola,
toujours tend a l'homme le piege de son sexe. Enivrant et dissolvant
toute une societe comme dans la _Curee_, victime passive dans les
milieux ouvriers des grosses luxures et des coups, defaillante et
amoureuse dans _Une page_, seduisant dans _Pot-Bouille_ un cacochyme
delabre en un mariage aussitot souille, domptant a force de refus, dans
le _Bonheur des dames_, un obstine viveur, toutes, depeintes en leur
fonction uterine, se resument en cette _Nana_, folle et affolante de son
corps, qui subjugue par la douceur de son embrassement toute une
cavalerie, des ouvriers aux princes, des enfants aux polissons seniles.
C'est en vertu de ces deux predilections, sous un souffle de volupte ou
un afflux de force, que M. Zola denature le reel et le grossit. La
vegetation epanouie et luxuriante du Paradou est suscitee par les amours
qui s'y consomment, comme l'inceste de Renee embrase et assombrit la
serre de son palais, transforme en une orgie babylonienne le bal ou sa
grele silhouette transparait devetue. L'hotel de Nana sertit dans sa
splendeur le corps radieux de cette invincible fille, comme sont
grossies pour la rehausser les turbulences du Grand-Prix ou elle
triomphe, et exagerees pour montrer son empire les ruines qu'elle
accumule. Par contre, la seduction du magasin dans le _Bonheur_, le
fouillis de ses soies, l'appetence de ses chalandes et la rouerie de ses
vendeurs sont amplifies pour venger de cette domination, la force de
l'homme, portee a l'enorme dans les speculations de Saccard et les actes
de Rougon, representee invincible dans la chastete farouche de l'abbe
Faujas e
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