isait point comme tant d'autres a
son mal. Il ne disait point: "Je suis perverti, mais qu'y faire?" Tout
etait en lui d'une telle ardeur, d'une telle violence droite, qu'un jour
viendrait ou cette passion se porterait vers l'unique objet de toute
recherche et qu'elle voudrait la force, la noblesse et la candeur avec
une pareille exigence, avec un semblable emportement. Nous devinions
dans quelles erreurs sa jeunesse avait sejourne, mais tout nous
avertissait qu'il n'etait pas fait pour le sacrilege: chaque etape etait
utile a son coeur.
LA VOIX QUI NOUS INVITE A LA PENITENCE SE PLAIT A SE FAIRE ENTENDRE DANS
LE DESERT.--BOSSUET. JE L'ATTIRERAI A LA SOLITUDE ET JE PARLERAI A SON
COEUR--OSEE, II, 14.
Parce qu'il savait deja que "de grandes choses se font par l'Afrique,
qu'il pouvait tout exiger d'elle et tout par elle exiger de lui", Ernest
Psichari partit pour la Mauritanie au debut de 1910. C'est sur les
routes du desert ou, jadis, fuyant les tristesses du monde, il avait
verse son sang le meilleur d'adolescent qu'il retournait pour monter,
cette fois, vers de plus pures grandeurs[5].
Notre imagination, seduite par tant d'heroisme juvenile et par cette
grace belliqueuse, le suivait a travers les larges horizons de l'Adrar.
Il nous ecrivait: "C'est un des derniers pays ou l'on fasse encore
oeuvre de soldat, ou l'on vive militairement.... C'est une terre toute
chaude encore du sang francais." Et nous apprenions qu'au sud de
Tichitt, dans les dunes d'Aouker, il avait, avec ses meharistes,
glorieusement capture une bande de dissidents maures[6]. Mais bien peu
eussent devine que c'etait pousse par un obscur desir de pardon, pour
remonter a sa source, pour se racheter de bien des miseres, pour
retrouver la verite non possedee, mais desiree, qu'il s'etait enfonce
dans les solitudes sahariennes et que la vie d'action intense de ce
heros n'etait qu'une maniere de "vie purgative" que Dieu imposait a une
ame qu'il s'etait reservee.
A l'exemple des Saints, voici un homme qui fuit le tumulte des hommes
pour devenir attentif a son ame. La nature saharienne extremement
epuree, debarrassee de toute surcharge, vetue de recueillement et de
silence, va agir en quelque sorte sur lui a la facon d'un cloitre. Ici
les facilites, les expedients, toutes les complaisances du monde ne
jouent plus, mais repugnent et decoivent. Seul dans le grand vent des
plaines, au bout de la terre, au bout de la vie, "la ou les soucis sont
hauts, la
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