en.
_J'ai retrouve a Cherbourg, ecrivait-il au P. Clerissac, le milieu sain
et reconfortant que j'avais quitte, il y a plus de trois ans, et revu
avec joie mes camarades. Ils suivent une belle route bien droite, bien
tracee. Ils sont loin de bien des compromissions de l'epoque. C'est un
grand malheur qu'ils soient aussi loin de la vie de la Grace. Beaucoup
d'entre eux, la plupart, seraient pres peut-etre de la meriter, s'ils
avaient seulement quelques mouvements de bonne volonte. Que notre Divin
Maitre daigne les eclairer: qu'il me donne aussi la force de montrer le
bon exemple, de faire un peu de bien a ces braves gens_[31].
Charge de service et d'occupations de toutes sortes, Psichari se sentit
prive de bien des secours. Il se rappelait avec une triste emotion le
temps ou il pouvait, chaque matin, s'approcher de la Sainte Table et
dire tout entier le _Diurnal_: "Il me faut faire une bien petite place
au Bon Dieu, s'ecriait-il. Je lui offre du moins tout mon coeur, mes
actions et mes pensees, faisant confiance pour le reste a sa divine
misericorde[32]."
Pourtant son zele ne restait pas inactif. Des son arrivee a Cherbourg,
Ernest Psichari avait rendu visite au cure de cette paroisse qui porte
le nom tres doux de Notre-Dame-du-Voeu et lui avait demande de faire
partie de la Conference de Saint-Vincent-de-Paul. Pour lui, leve
des l'aube, il montait a cheval, se rendait au quartier, faisait
l'instruction des brigadiers sur le tir du 75; puis le soir, dans sa
chambre, devant _l'Annonciation_ de Memling, pres de la bibliotheque ou
il avait reuni les _Meditations_ et les _Elevations_ de Bossuet,
les _Confessions_, les oeuvres de saint Jean de la Croix, de sainte
Catherine de Sienne et de sainte Mechtilde, il travaillait et il priait.
L'ecrivain notait, pour nous autres, les mouvements de son coeur sous
le doux envahissement de la Lumiere; et, a travers les antiennes et les
repons de son office, le tertiaire de saint Dominique appelait sur la
France et sur son armee quelques-unes des faveurs dont il se sentait
indigne.
Psichari goutait alors une quietude sans melange: le bonheur rayonnait
dans son etre. Parfois, il se demandait: "Que dois-je faire et qu'est-ce
que le Bon Dieu veut au juste de moi[33]?" Et tranquille, il se
repondait a lui-meme: "Je l'ignore, mais c'est dans une grande paix et
un vrai calme que j'attends la manifestation de sa volonte. L'exact
discernement et la vraie force ne seront pas refuses, j'en
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