les 1er et 2e marsouins, dans un pays boise et insuffisamment
explore par la cavalerie, lances beaucoup trop en avant pour compter
sur aucun secours, cernes des les premieres heures de la journee par un
ennemi tres superieur en nombre, nous n'avons pu que vendre cherement
notre vie, et c'est ce que nous avons fait. Des marsouins, quelques-uns
ont pu s'echapper, de l'artillerie personne. A sept heures du soir,
apres etre restes douze heures sous un feu epouvantable, il ne restait
plus qu'un charnier de notre belle artillerie divisionnaire: les canons
etaient hors de service, apres avoir consomme toutes les munitions, les
chevaux etaient eventres, la moitie du personnel etait hors de
combat. Les survivants, a la nuit, etaient faits prisonniers par les
Allemands... Les hommes ont ete d'une bravoure sans egale; pas un n'a
bronche. Alors qu'ils etaient surs d'y passer tous, pas un n'a flanche:
ils ont servi leurs pieces comme a la manoeuvre."]
[Note 41: Nous possedons sur la mort d'Ernest Psichari plusieurs
versions differentes, entre lesquelles il ne nous appartient pas de
choisir. Le medecin-major B... la rapporte de maniere assez differente:
"Le soir du 22 aout, ecrit-il, vers six heures, j'etais en train de
panser des blesses au poste de secours etabli dans la premiere maison du
village de Rossignol. Cette maison, isolee des autres, etait au centre
meme des batteries.
"Je m'entendis appeler par le capitaine Cherrier, commandant le 3e
groupe. L'appel etait si pressant, que je courus dans le couloir
au-devant du capitaine; a ce moment un fantassin allemand que je vis
agenouille de l'autre cote de la route tira, blessant mortellement dans
l'ambulance meme le capitaine deja blesse a la jambe. Or, mon infirmier
(le canonnier Millot, de la 1re batterie) m'affirme qu'une ou deux
minutes avant il venait de voir, sur la route, devant l'ambulance, votre
fils soutenant le capitaine: ils etaient entoures, a quelques metres,
par les Allemands qui, a ce moment, sur ce point, arrivaient presque
jusqu'a nos pieces. Les munitions epuisees, les servants tues a leur
poste, beaucoup de pieces s'etaient tues, c'etait l'agonie derniere de
notre beau regiment.
"Psichari est tombe a la place meme ou mon infirmier venait de le voir.
"A cet instant precis le poste de secours prenait feu; je dus mettre mes
blesses a l'abri dans la cave: mais si je n'ai pu assister Psichari a
ses derniers moments, je puis cependant vous donner la certitude
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