ue source du christianisme, de l'abandon duquel
decoule la fausse morale, comme aussi la fausse science._
Mais aussitot il ajoutait:
_Avec tout cela, je n'ai pas la foi. Je suis, si je puis dire cette
chose absurde, un catholique sans la foi. Je pensais a moi et assez
tristement en lisant cette belle page[14]: "Il semble qu'en ce temps
la verite soit trop forte pour les ames..." et je me demandais si tu
pouvais bien me tenir rigueur de mon impiete. Il me semble pourtant que
je deteste les gens que tu detestes et que j'aime ceux que tu aimes et
que je ne differe guere de toi qu'en ce que la grace ne m'a pas touche.
La grace! Voila le mystere des mysteres. Tu vas me dire de ne pas tomber
dans l'erreur janseniste et que l'homme est libre et qu'il peut par ses
oeuvres sinon forcer, du moins provoquer la grace (je ne sais pas si je
dis bien). Mais non, je sens qu'arrive au tournant ou je suis, il n'y a
plus rien a faire qu'a, attendre. "Abetissez-Vous", me dit Pascal,
mais c'est impossible: on ne peut pas plus s'abetir que se donner de
l'intelligence. Vais-je lire, apprendre? Mais les disciples d'Emmaues
n'ont pas cru apres l'enseignement du Christ._ "Deum quem in Scripturae
Sanctae expositione non cognoverant, in panis fractione cognoscunt",
_dit saint Gregoire, dans une phrase qui me fait rever infiniment.
Et nullement semblable a l'aveugle qui ne demande pas la guerison,
j'appelle a grands cris le Dieu qui ne veut pas venir[15]..._
Ainsi son intelligence ne se rebelle point, elle meprise la negation et
le doute: elle se fait humble devant la verite; elle participe deja de
sa tranquille harmonie et de sa juste mesure. Elle se connait et elle
connait Dieu, et cela devant que la grace ait purifie son coeur. Mais il
fallait qu'il se brisat par le dedans, ce coeur, pour que le saint amour
y fut attire. Quoi de plus touchant que l'humble soumission de cet
esprit? Et Dieu pouvait-il tarder a marquer du signe de son election
celui que ses seules forces naturelles poussaient a l'aimer d'un tel
desir?
Son ame deja avait gagne de la confiance, de l'abandon. Plus tard,
evoquant ce passe, il dira [l6]: "Alors je ne croyais a rien, je vivais
comme un paien et pourtant je sentais l'irresistible invasion de la
Grace. Je n'avais pas la foi, mais je savais que je l'aurais." Car
Ernest Psichari avait, des lors, entrevu la loi de son progres interieur
et les exigences de Dieu lui etaient claires. De toutes ses forces,
il aspirait a l
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