simple de vous aimer!"
Ce qui frappe, en effet, c'est la plenitude de vie surnaturelle qui
surgit en lui. Tout de suite, il s'etait tourne vers le Christ et
c'est de lui qu'il attendait la verite et le bonheur. Chaque jour, il
communiait et tendait vers la Croix toutes ses puissances[22].
_C'est une decouverte adorable, ecrivait-il au P. Clerissac[23],
que celle que je fais en ce moment, c'est une douce et cruelle
reconnaissance et il n'est point d'office ou je ne verse d'abondantes
larmes devant le Maitre que j'ai si longtemps crucifie, que la France
elle-meme crucifie a toute heure._ Et encore: _J'ai pu m'approcher tous
les matins de la Sainte Table et je l'ai fait avec courage, comptant sur
la misericorde de Notre-Seigneur, pour me pardonner les faiblesses
qui me rendent si indigne de recevoir son corps et m'en remettant
entierement a elle en toute chose... Je crois bien que c'est lorsqu'on
est le plus abattu que l'on doit desirer avec le plus d'amour
l'Eucharistie et, quant a moi, c'est a ces heures-la que je me tourne
avec le plus de confiance vers le Maitre a qui je suis desormais[24]._
Nul ne fut plus que Psichari un homme de priere; nul n'en eut davantage
le don. Ses travaux d'ecrivain, son metier de soldat, tout lui etait
pretexte d'elevation vers Dieu. Il faut l'avoir vu prier, avoir suivi
avec lui le mouvement de la liturgie pour savoir quels etaient l'amour
et la force de ses oraisons. Chaque jour, il disait l'office de
la Vierge jusqu'au dernier capitule; pas une rubrique qu'il n'ait
longuement meditee: il avait meme compose pour le Rosaire une suite
de proses. Ces elevations, il les commencait dans les larmes, tant la
douleur le poignait de ses fautes passees, tant il sentait en lui-meme
de ruines et de tenebres, de revoltes et de luttes. Et de chacune
d'elles montait cette pensee: "Que puis-je faire pour l'Eglise qui m'a
accueilli au plus fort de ma detresse? Jesus, Marie, je vous supplie
de m'eclairer, de me donner la force d'etre sans partage au pied de la
Croix, uniquement attentif a vos ordres[25]." Et l'oraison s'achevait
dans la joie, sous le desir enflamme qu'y repandait l'esperance
eternelle. Ainsi, la priere semblait a Psichari le devoir premier, bien
plus, "la position normale de la creature qui veut se tenir a sa place
sous son Createur". Etre a sa place, se tenir a sa place, voila le grand
souci de ce soldat chretien.
Mais il savait aussi que la place ou la Providence l'avait mis sur l
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