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fervente tendresse.
Il faut avoir vu la joie d'E. Psichari lorsqu'un religieux lui assura,
un jour, que l'ame de Renan, au moment de paraitre devant Dieu, avait
peut-etre ete allegee de ses fautes par la priere de quelque carmelite,
par les larmes de quelque contemplatif tres humble...
Et l'on avait ajoute: "Qui vous dit que votre grand-pere n'est pas
sauve? Dieu seul est capable de juger les consciences. Nul d'entre nous
n'a le droit de mettre des limites a la misericorde du Pere celeste. Qui
sait si, mysterieusement, en vertu d'une grace cachee, Renan ne s'est
pas reconcilie avec le Maitre de ses premieres annees? Qui sait meme, si
ce n'est pas lui qui vous suscite aujourd'hui pour reparer les dommages
qu'il a pu faire aux ames[26]?"
Ah! de quelle reconnaissance il embrassait la foi qui permettait un tel
espoir... Pour lui, fils de la fidelite, il n'aurait de cesse qu'il
n'ait donne son etre pour que le pere prodigue ne fut point banni de la
maison de tous ses desirs[27]!
Aussi peut-on assurer qu'Ernest Psichari songeait a se detourner de
la voie large du monde pour s'engager dans l'etroit sentier de la
perfection. La componction de son coeur, son amour de l'obeissance qu'il
tenait d'un esprit tout ensemble militaire et tres humble, tout l'y
predestinait. Devant le glaive de l'esprit, devant le glaive de la
parole de Dieu, ce soldat tombait a genoux. Le Christ etait son chef: il
attendait ses ordres. Mais la encore la Providence reservait a Ernest
Psichari une suite de grandes epreuves et de poignantes incertitudes,
qu'il allait subir d'une ame pleine de paix et d'abandon.
_J'attends, ecrivait-il, le 16 mars 1914, au P. Clerissac, j'attends
simplement que le Seigneur me dise, s'il m'en juge digne: "Leve-toi et
viens..." Souvent la certitude de ce qui me sera demande me pese; j'ai
peur, je ne me sens pas pret, mais je sais bien aussi qu'il me faudra
me rendre et j'entends clairement cette voix interieure qui me dit
l'adorable parole toujours presente:_ "Alius te cinget et ducet quo
tu non vis." _Que la volonte du Seigneur Jesus soit faite et non la
mienne_.
Des l'abord, Ernest Psichari ne douta point qu'il ne dut etre quelque
jour le serviteur de cet ordre de Saint-Dominique, auquel il appartenait
deja de toute son ame et dont la "regle joyeuse" lui convenait si
bien[28]. Il y avait, en effet, chez ce militaire, une volonte
d'apostolat qui l'empechait d'etre purement contemplatif. Dans le
premier momen
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