dit: "Si je sers loyalement l'Eglise et sa fille ainee la
France, n'aurai-je pas fait tout mon devoir? Vis-a-vis de l'Eglise,
l'indifference n'est pas possible. Celui qui n'est pas pour moi est
contre moi. Et je prends parti de toute mon ame[11]."
Voila ou en etait Ernest Psichari au debut de 1911. Tout en desirant la
lumiere surnaturelle de la Grace, tout en la demandant de toutes ses
forces, il etait loin encore de la vie et de la verite chretiennes [l2].
C'est a peu pres l'etat d'ame que traduisent quelques pages de l'_Appel
des armes_ qu'il terminait alors, et qu'une critique trop pressee de
conclure devait prendre pour un temoignage decisif [l3]. Son oeil
n'etait pas encore assez fort pour se tourner au dedans de lui-meme: il
n'allait que plus tard parvenir a son coeur et il lui fallait attendre
et souffrir pour connaitre la gloire de Celui qui de Sa Main sanglante
devait venir le chercher pour le conduire vers elle.
En France, Ernest Psichari avait laisse un ami qui, lui aussi, avait des
l'abord cherche son ame dans la vanite de la pensee humaine, mais a
qui la verite, un jour, s'etait donnee par la Grace. Et cette voix
fraternelle venait le presser dans sa solitude: "Nous avons prie pour
toi du haut de la sainte montagne (la Salette). Il me semble qu'elle
pleure sur toi, cette Vierge si belle, et qu'elle te veut. Ne
l'ecouteras-tu point?"
Pourtant son esprit ne restait pas inactif. La verite, il la voulait
avec violence. Saisi par la noble ivresse de l'intelligence, il
demandait, d'abord, "que Jesus-Christ fut vraiment le Verbe incarne, que
l'Eglise fut de toute certitude la gardienne infaillible de la Verite,
que Marie fut en toute realite la Reine du Ciel". L'impatience de
connaitre grandissait en lui. Il apercevait bien le bel equilibre de
la raison chretienne, mais le secret des choses essentielles demeurait
toujours etranger a son coeur. Et il confiait a l'ami qui le secourait
de ses prieres l'incertitude ou il se desolait. Des l'abord, il
s'empressait de reconnaitre:
_Tout essai de liberation du catholicisme est une absurdite, puisque,
bon gre, mal gre, nous sommes chretiens, et une mechancete, puisque
tout ce que nous avons de beau et de grand en nos coeurs nous vient du
catholicisme. Nous n'effacerons pas vingt siecles d'histoire, precedes
de toute une eternite; et comme la science a ete fondee par des
croyants, notre morale, en ce qu'elle a de noble et d'eleve, vient aussi
de cette grande et uniq
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