des catholiques sans la grace. Tel
est l'aveu qu'au debut de 1913, Ernest Psichari faisait anxieusement
a l'ami qui, plus avance que nous-memes dans la foi et dans la vraie
science, l'avait assiste par la priere et qui allait le presser,
dans cet instant decisif, de se laisser informer "par l'esprit
ecclesiastique, qui est le Saint-Esprit".
[Note b: Ici, nous cessons de suivre le _Voyage du Centurion_, qui,
riche d'eclaircissements sur la preparation de la conversion d'Ernest
Psichari, s'arrete au seuil de cette etape decisive, et nous reprenons
nos souvenirs personnels, aide de sa correspondance inedite.]
Nous avons vu, par ses meditations africaines, a quelle haute ferveur
Ernest Psichari avait deja pu s'elever, et de quelle charite sa
contemplation etait empreinte. Maintenant, il lui fallait s'etablir
dans les regions de la priere, accomplir les actes qui engagent et qui
liberent.
Nous voici au point culminant de ce debat ou l'enjeu est une ame. Moment
unique dont tout le passe ne fut que la preparation secrete et ou va
naitre un homme nouveau qui portera temoignage pour ses ancetres et pour
lui-meme de la fidelite reconquise. Dans la durete du temps present,
parmi les oublis, les reniements et les blasphemes, dans la plus grande
detresse des foyers, la voix du Seigneur a nouveau se fait entendre:
"Race incredule et depravee, amenez ici votre fils!" Paroles
d'indignation legitime dont cet enfant meurtri ne sait comprendre que la
tendresse incomparable ... Prodige de la charite qui doucement le ramene
vers la maison de son ame ...
Des l'abord, ce fut pour Ernest Psichari une grande consolation
d'apprendre qu'il n'etait pas exclu de l'Eglise depuis sa naissance et
que le bapteme de rite grec qu'il avait recu etait valable.
Mais il se preoccupait de l'impression que sa conversion eventuelle
pourrait causer a sa mere. Que de troubles, que d'incertitudes, que
d'hesitations encore a l'aube d'une journee qui allait etre si belle!
Comme il s'afflige, l'inquiet jeune homme:
_Il me semble_, ecrit-il au confident de son ame, _il me semble
impossible que je continue bien longtemps encore a regarder cette
adorable pensee chretienne en etranger, et je me dis qu'apres avoir ete
aussi delaisse et avoir ete prive de tant de sacrements, il ne faut pas
s'etonner que la pente soit si dure a monter... Ce qui me desespere,
c'est cette vie de Paris ou le recueillement est impossible. J'etais
infiniment plus pres du but en Mau
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