a perfection. A cette heure, il le savait: il y a une
hierarchie entre les ames. "Et d'abord il y a des pensees viles pour les
coeurs mauvais. Et puis il y a des pensees belles mais faciles, il y a
de pauvres, de miserables satisfactions spirituelles pour ces coeurs
qui ignorent profondement le mal, mais ne se nourrissent que de vertus
ordinaires." Et ce soldat, consume dans le tourment de Dieu, levant
les yeux vers le ciel, s'ecriait du fond de ses tenebres: "Quels sont
ceux-ci qui s'avancent portant leurs coeurs au-devant d'eux comme des
flambeaux? Ce sont les heroiques, les affames de la vertu, les assoiffes
de la justice! Certes ils se sont gardes des chutes grossieres. Mais
ils jugent que c'est peu. Ils veulent cette purete essentielle qui
est l'entree dans l'intelligence superieure. Car tout est lie dans le
systeme interieur de l'homme et la lumiere profonde de ce qui est vrai
manquera toujours a qui ne se sera point fait un coeur de cristal."
Ne semble-t-il pas avoir pressenti la mission que Dieu lui reservait,
celui qui souffrant encore du "mal horrible de la terre", desirait de
monter a Lui par les voies les plus difficiles et qui ne voulait pour
modeles de vie que les plus purs, que les plus heroiques, comme elu,
presse, designe mysterieusement pour les suivre? Ecoutez l'appel de ce
coeur presse par ses sanglots:
"Je sens, dit-il, je sens qu'il y a, par dela les dernieres lumieres de
l'horizon, toutes les ames des apotres, des vierges et des martyrs,
avec l'innombrable armee des Temoins et des Confesseurs. Tous me font
violence, m'enlevent par la force vers le Ciel superieur, et je veux de
tout mon coeur leur purete, je veux leur humilite, je veux la chastete
qui les ceint et la piete qui les couronne, je veux leur grace et leur
force. Je ne m'arreterai pas..."
Et devant cette effusion si brulante, devant ce desir avide de la
possession divine, nous nous demandons comme il se le demandait a
lui-meme: "N'est-il pas chretien en quelque maniere, cet homme qui
desire un certain rejaillissement de l'ame en lui, qui a soif de la
vertu surnaturelle, qui desire de vivre avec les anges et non plus avec
les betes, qui a la volonte de s'elever, de se spiritualiser sans cesse
et dont le coeur est si vaste qu'il deborde les limites de la terre...
Et n'appartient-il pas deja au Ciel celui qui en a la mysterieuse
preference?"
Pourtant les mots de la liberation n'avaient pas encore retenti. A ce
cri pathetique dont le
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