, il
continue apres sa mort l'oeuvre d'apostolat a quoi il s'etait voue.]
Mais une chose, des l'abord, nous frappe dans la confession de ce soldat
qui, "sous le double airain de la solitude et du silence", marche avec
confiance vers son but, c'est qu'avant de songer a son propre salut,
avant de s'apitoyer sur sa misere, avant de prier pour lui-meme, c'est
pour la France qu'il prie, pour la France abandonnee et douloureuse.
C'est pour elle que son ame debordante de charite demande grace, c'est
pour la servir plus fidelement qu'il appelle cette foi dont elle est
d'election le royaume, c'est pour remplir plus exactement son mandat
qu'il veut l'ordre de l'Eglise, cette Eglise qu'on voit penchee sur la
France tout au long de son histoire.
Un jour qu'il etait de passage a Port-Etienne, Psichari avait montre
a un de ses compagnons--un jeune guerrier de l'Adrar--la magnifique
installation de telegraphie sans fil, si inattendue dans ce pauvre bled
saharien.
--Tu vois, lui dit-il, en lui montrant l'immense moteur qui ronflait,
les Maures sont fous de vouloir resister a des gens aussi riches et
aussi puissants que les Francais.
Le Maure resta un moment silencieux, puis repondit gravement:
--Oui, vous autres Francais, vous avez le Royaume de la Terre, mais
nous, Maures, nous avons le Royaume du Ciel[9]."
"Voila une idee que les Maures ne devraient pas avoir, ecrivait alors
Psichari a Mgr Jalabert, et c'est un peu nous qui la leur avons donnee."
Et il ajoutait, en envoyant son offrande pour la construction de la
cathedrale de Dakar[10]:
_"Depuis six ans que j'ai fait connaissance avec les Musulmans
d'Afrique, je me suis rendu compte de la folie de certains modernes
qui veulent separer la race francaise et la religion qui l'a faite ce
qu'elle est et d'ou vient toute sa grandeur. Aupres de gens aussi portes
a la meditation metaphysique que les Musulmans du Sahara, cette erreur
peut avoir de funestes consequences. J'en ai acquis la conviction.
Nous ne paraitrons grands aupres d'eux qu'autant qu'ils connaitront la
grandeur de notre religion. Nous ne nous imposerons a eux qu'autant que
la puissance de notre foi s'imposera a leur regard. Certes, nous n'avons
plus des ames de croises et ce n'est pas a la pensee d'aller combattre
l'Infidele qu'un officier designe pour le Tchad ou l'Adrar va se
rejouir. Pourtant j'ai vu des camarades qui, dans leurs conversations
avec les Maures, souriaient des choses divines et faisaient prof
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