s cette
armoire des serviettes que j'etale sur la poitrine et les epaules des
gens que j'ausculte; voyons s'il y en a de propres.
Justement il en restait quatre, c'est-a-dire une de plus qu'il ne
fallait.
--As-tu des assiettes, des couteaux, des fourchettes, des verres?
--Oui, dans une armoire de la salle a manger.
--Allons les chercher.
Cette salle a manger, ou l'on n'avait jamais mange, etait la piece la
plus curieusement meublee de l'appartement. Point de table, point de
chaises, point de buffet; mais, le long de la muraille, des planches
en bois blanc formant etagere, et, sur ces planches, des matras, des
ballons, des flacons a effilure horizontale ou verticale, des tubes de
culture, des filtres, une etuve a gaz, un microscope, des tranches de
pain, des morceaux de pomme de terre, ca et la des bocaux, des fioles,
et aussi quelques livres, enfin le materiel d'un petit laboratoire de
recherches bacteriologiques: voila, ce qu'etait en effet cette salle ou
Saniel travaillait plus souvent et plus longuement que dans son cabinet
de consultation.
C'etait dans un placard que se trouvaient les cinq ou six assiettes,
les trois couteaux, les verres qui composaient toute la vaisselle et la
verrerie de Saniel.
--Tu es sur qu'il n'y a pas de microbes dans les assiettes? demanda
Philis en prenant ce qu'il fallait pour servir la table.
--J'espere que non.
--Enfin, en les essuyant bien.
Le couvert fut promptement mis par Philis, qui allait, venait, tournait
autour de la table avec une legerete gracieuse que Saniel admirait.
--Alors toi tu ne fais rien, dit-elle.
--Je te regarde et je reflechis.
--Et le resultat de ces reflexions, peut-on le demander?
-C'est qu'il y a en toi un fonds de belle humeur et de gaiete, une
exuberance de vie a egayer un condamne a mort.
--Et que serions-nous devenus, je te prie, si j'avais ete une
melancolique et une decouragee quand nous avons perdu mon pauvre papa?
Il etait la joie meme, chantait toute la journee, s'eveillait une
chanson sur les levres et, tout en travaillant, riait, plaisantait, sans
jamais une minute de mauvaise humeur. C'est par lui et pres de lui que
j'ai ete elevee, et je lui ressemble. Quand, en quelques jours, il, nous
a ete enleve, tu peux t'imaginer comment, tombant de cette vie heureuse
dans la detresse et le chagrin, nous avons ete aneantis; maman, tu le
sais, est une melancolique et une inquiete, une timide disposee a voir
tout en noir; mon f
|