te; a la
joie d'etre ensemble, a notre amour. Est-ce dit?
Elle lui tendit la main par-dessus la table.
Il la prit et la serra:
--C'est dit.
Le diner continua gaiement, Saniel repondant aux sourires et a la gaiete
de Philis, qui conduisait l'entretien en ne le laissant pas languir:
elle le servait, lui versait a boire, et c'etaient des eclats de voix,
des rires comme ce cabinet n'en avait jamais entendu; de temps en temps,
elle quittait sa chaise et jetait une poignee de bois au feu qui, a
moitie eteint, reprenait ses petillements.
Cependant, elle remarqua que peu a peu la physionomie de Saniel,
un moment detendue, s'assombrissait et reprenait l'expression de
preoccupation et d'amertume qu'elle avait eu tant de peine a chasser;
elle voulut faire un nouvel effort.
--Est-ce que cette charmante dinette ne te donne pas l'idee de
recommencer bientot? demanda-telle,
--La recommencer! Comment? Ou?
--Mais si j'ai pu venir ce soir sans que maman s'en inquiete, je
trouverai bien un moyen, un pretexte, pour recommencer la semaine
prochaine.
Il secoua la tete.
--Tu ne seras pas libre la semaine prochaine? demanda-t-elle, inquiete.
--Ou serai-je la semaine prochaine, demain, dans quelques jours?
--Tu me fais peur! Explique toi, je t'en prie. Oh! Victor, aie pitie de
moi, ne me laisse pas dans l'angoisse.
--Tu as raison; je dois tout te dire et ne pas laisser ta tendresse
chercher des explications a ma preoccupation, qui ne peuvent que te
tourmenter.
--Si tu as des soucis, ne m'estimes-tu pas assez pour les partager avec
moi? Tu sais bien que je suis a toi, tout a toi, aujourd'hui, demain, a
jamais!
Sans lui laisser ignorer les difficultes de sa situation, il n'etait
jamais cependant entre dans des details precis, aimant mieux parler de
ses esperances que de sa misere presente.
Le recit qu'il avait deja fait a Glady et a Caffie, il le recommenca, en
ajoutant ce qui venait de se passer avec le concierge, le marchand de
vin, le charbonnier et Joseph.
Elle ecoutait aneantie.
--Il a emporte la redingote! murmura-t-elle.
--Il n'est venu que pour ca.
--Et demain?
--Ah! demain... demain!
--Avec tant de travail comment as-tu pu en arriver la?
--Comme toi, j'ai cru a la vertu du travail, et voila ou j'en suis!
Parce que je sentais en moi une volonte que rien n'affaiblirait, une
force que rien ne lasserait, un courage que rien ne rebuterait, je me
suis imagine que j'etais arme pour la lutt
|