sans avoir jamais mesure la portee de cette
ambition et des espoirs, des reves, si tu veux, sur lesquels elle
repose. Comprends que ces reves sont a la veille de se realiser: encore
deux mois, en decembre ou en janvier, je passe le concours pour le
bureau central, qui me fait medecin des hopitaux, et a la meme epoque
celui pour l'agregation, qui m'ouvre la Faculte de medecine. Sans
illusion orgueilleuse, je me crois en etat de reussir,--ce que les gens
de sport appellent en condition. Donc quand je n'ai plus qu'une attente
de quelques jours, me voila abattu a jamais.
--Pourquoi a jamais?
--On vient de son village a Paris pour faire sa trouee, on n'en revient
pas quand la mauvaise chance ou l'impuissance vous y ont renvoye.
D'ailleurs, c'est seulement tous les quatre ans que s'ouvre un concours
pour l'agregation. Dans quatre ans, quelle serait ma condition morale ou
intellectuelle; comment aurais-je supporte cet exil de quatre ans; te
representes-tu ce que peuvent produire quatre annees d'isolement au fond
des montagnes. Mais ce n'est pas tout. A cote de ce but ostensible que
je poursuis depuis que j'ai debarque de mon village, j'ai mes travaux en
train qui exigent absolument Paris. Sans que je t'aie jamais assommee de
medecine, tu sais, n'est-ce pas? qu'elle est a la veille de subir une
revolution qui va la transformer. Jusqu'a present, il a ete enseigne
officiellement, en pathologie, que l'organisme humain portait en soi le
germe d'un grand nombre de maladies infectieuses qui s'y developpaient
spontanement dans certaines conditions: ainsi, la tuberculose est le
resultat de fatigues, de privations, de miseres physiologiques. Eh bien,
depuis un certain, temps, on admet, c'est-a-dire des revolutionnaires
admettent une origine parasitaire a ces maladies, et il y a en France,
en Allemagne, en Europe, toute une armee qui cherche ces parasites. Je
suis un soldat de cette armee, et c'est a ces recherches que me sert ce
laboratoire installe dans la salle a manger. C'est aux parasites de la
tuberculose et du cancer que je me suis attache, et, pour ce dernier,
depuis sept ans deja, ce qui, lorsque j'etais interne, m'avait fait
appeler par mes camarades "le topique du cancer". Pour la tuberculose,
je suis arrive a decouvrir son parasite, mais non encore a le
debarrasser de toutes ses impuretes par des procedes de culture. J'en
suis la. C'est-a-dire que je brule, et que, demain peut-etre, dans
quelques jours, je tiens une decouv
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