reux, et que, par
experience, il connaissait la force de volonte.
Mais il avait bientot fallu en rabattre de cette confiance en soi: loin
de Philis, il pouvait ce qu'il voulait; pres d'elle, c'etait elle qui
voulait; d'un regard elle etait maitre de lui; il arrivait furieux pour
l'influence qu'elle avait prise sur lui, et contre laquelle il s'etait
debattu depuis qu'ils ne s'etaient vus; il la quittait ravi de sentir
combien profondement il l'aimait.
Pour un homme dont la raison et la logique avaient regle la vie jusqu'a
ce moment, ces contradictions etaient exasperantes, et il ne se
pardonnait de les subir qu'en se disant qu'elles ne pouvaient modifier
en rien la ligne de conduite qu'il s'etait tracee, ni le faire devoyer
du chemin qu'il suivait.
Riche, ou simplement avec un peu de fortune, il eut pu--quand il etait
pres d'elle et en sa puissance--se laisser entrainer; mais ce n'etait
pas quand il crevait de faim qu'il allait faire la folie de prendre une
femme; qu'aurait-il a lui donner? sa misere, rien que sa misere; et la
honte, a defaut d'autre raison, l'empecherait a jamais de la lui offrir.
Depuis qu'ils se connaissaient, elle avait elle-meme, tout
naturellement, en causant, complete les renseignements qu'il avait eus
tout d'abord: elle etait bien, comme on le lui avait dit, la fille d'un
peintre; son pere, qui avait eu des commencements difficiles, etait
mort au moment ou, apres des annees de lutte acharnee, il arrivait a la
fortune; dix annees de plus de travail, et il laissait a sa famille,
sinon la richesse, au moins une tres belle aisance. En realite, il ne
lui avait laisse que la ruine; l'hotel qu'il s'etait fait construire
vendu, et les dettes payees, il ne leur etait reste que quelques
meubles. Il avait fallu travailler. ils etaient trois, une mere, un fils
et une fille; la mere, qui n'avait pas de metier, s'etait mise a des
travaux de lingerie; le fils avait quitte le college pour entrer clerc
chez un homme d'affaires appele Caffie; la fille, qui heureusement pour
elle avait appris a dessiner et a peindre sous la direction de son
pere, avait cherche des lecons, et, pour ajouter au peu qu'elles lui
procuraient, elle dessinait des menus de diner pour les papetiers et
peignait sur soie des coffrets et des eventails: ils vivaient, et bien
juste, avec une dure economie et des privations de toute sorte, encore
le frere, las de la triste existence et du labeur que lui imposait son
homme d'affaires, vena
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