ides du pays, appeles marrons. Ces gens vous recommandent de
ne faire en chemin aucune sorte de bruit qui puisse etonner la montagne,
parce qu'alors la neige s'en detache et vient tres-impetueusement tomber au
bas. Le mont Cenis separe l'Italie de la France.
Descendu de la dans le Piemont, pays beau et agreable, qui par trois cotes
est clos de hautes montagnes, je passai par Turin, ou je traversai le Po;
par Ast, qui est au duc d'Orleeans; par Alexandrie, dont la plupart des
habitans sont usuriers, dit-on; par Plaisance, qui appartient au nuc de
Milan; enfin par Bologne-la-Grasse, qui est au pape. L'empereur Sigismond
etoit dans Plaisance. Il venoit de Milan, ou il avoit recu sa seconde
couronne, et alloit a Rome chercher la troisieme. [Footnote: En 1414,
Sigismond, elu empereur, avoit recu la couronne d'argent a Aix-la-Chapelle.
Au mois de Novembre 1431, peu avant le passage de notre voyageur, il avoit
recu a Milan la couronne de fer. Ce ne fut qu'en 1443 qu'il recut a Rome,
des mains du pape, celle d'or.]
De Bologne, pour arriver dans l'etat des Florentins, j'eus a passer une
autre chaine de montagnes (l'Apennin). Florence est une grande ville ou la
commune se gouverne par ellememe. De trois en trois mois elle se choisit,
pour son administration, des magistrats qu'elle appelle prieurs, et qui
sont pris dans diverses professions. Tant qu'ils restent en place on les
honore; mais, quand leurs trois mois sont expires, chacun retourne a son
etat. [Footnote: Pour donner une idee favorable du talent de la Brocquiere,
ne pourroit-on pas citer le court et bel eloge qu'il fait ici du
gouvernmement representatif et republicain qu'avoit alors Florence?]
De Florence j'allai a Mont-Poulchan (Monte-Pulciano), chateau bati sur une
hauteur et entoure de trois cotes par un grand lac (le lac de Perouse); a
Espolite (Spolete); a Mont-Flaschon (Monte Fiascone); enfin a Rome.
Rome est connue. On sait par des ecrits veridiques que pendant sept cents
ans elle a ete maitresse du monde. Mais quand ces ecrits, ne
l'attesteroient pas, on n'en auroit pas moins la preuve dans tous ces beaux
edifices qu'on y voit encore, dans ces grands palais, ces colonnes de
marbre, ces statues et tous ces monumens aussi merveilleux a voir qu'a
decrire.
Joignez a cela l'immense quantite de belles reliques qu'elle possede, tant
de choses qui N. S. a touchees, tant de saints corps d'apotres, de martyrs,
de confesseurs et de vierges; enfin plusieurs eglises,
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