ns, et
se faire a leurs depens un revenu, les avoient imaginees.
La Brocquiere ecrit en militaire, d'un style franc et loyal qui annonce de
la veracite et inspire la confiance; mais il ecrit avec negligence et
abandon; de sorte que ses matieres n'ont pas toujours un ordre bien
constant, et que quelquefois il commence a raconter un fait dont la suite
se trouve a la page suivante. Quoique cette confusion soit rare, je me suis
cru permis de la corriger et de rapprocher ce qui devoit etre reuni et ne
l'etoit pas.
Notre manuscrit a, pour son orthographe, le defaut qu'ils ont la plupart,
c'est que, dans certains noms, elle varie souvent d'une page a l'autre, et
quelquefois meme dans deux phrases qui se suivent. On me blameroit de
m'astreindre a ces variations d'une langue qui, alors incertaine,
aujourd'hui est fixee. Ainsi, par exemple, il ecrit Auteriche, Autherice,
Austrice, Ostrice. Je n'emploierai constamment que celui d'Autriche.
Il en sera de meme des noms dont l'orthographe ne varie point dans le
manuscrit, mais qui en ont aujourd'hui une differente. J'ecrirai Hongrie,
Belgrade, Bulgarie, et non Honguerie, Belgrado, Vulgarie.
D'autres noms enfin ont change en entier et ne sont plus les memes. Nous ne
disons plus la mer Majeure, la Dunoe; mais la mer Noire, le Danube. Quant a
ceux-ci je crois interessant pour cela de les citer une fois. Ainsi la
premiere fois que dans la relation le mot Dunoe s'offrira, j'ecrirai Dunoe;
mais par la suite je dirai toujours Danube et il en sera de meme pour les
autres.
On m'objectera, je m'y attends, qu'il est mal de preter a un auteur des
expressions qui n'etoient ni les siennes ni souvent meme celles de son
siecle; mais, apres avoir bien pese les avantages et les inconveniens d'une
nomenclature tres-litterale, j'ai cru reconnoitre que cette exactitude
rigoureuse rendroit le texte inintelligible ou fatigant pour la plupart des
lecteurs; que si l'on veut qu'un auteur soit entendu, il faut le faire
parler comme il parleroit lui-meme s'il vivoit parmi nous; enfin qu'il est
des choses que le bon sens ordonne de changer ou de supprimmer, et qu'il
seroit ridicule, par exemple, de dire, comme la Brocquiere, un seigneur
hongre, pour un seigneur Hongrois; des chretiens vulgaires, pour des
chretiens Bulgares, etc.
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VOYAGE DE LA BROCQUIERE.
Cy commence le voyage de Bertrandon de la Brocquiere en la Terre d'Oultre
Mer l'an de grace mil quatr
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