une monotonie, qu'un homme de genie auroit pu
vaincre sans doute, mais qu'il etoit au dessus de ses forces de surmonter.
D'ailleurs, il a voulu donner un poeme: ce qui l'oblige a prendre le ton
poetique, et a faire des descriptions poetiques, ou soi-disant telles.
Enfin ce poeme est en vers elegiaques. Or qui ne sait que cette sorte de
versification, dont le propre est de couper la pensee de deux en deux vers
et d'assujettir ces vers au retour continuel d'une chute uniforme, est peut
etre celle de toutes qui convieent le moins en genre descriptif? Quand
l'imagination a beaucoup a peindre; quand sans cesse elle a besoin de
tableaux brillans et varies, il lui faut, pour developper avantageusement
toutes ses richesses, une grande liberte; et elle ne peut par consequent
s'accommoder d'une double entrave, dont l'effet infaillible seroit
d'eteindre son feu.
Payen de religion, Rutilius a montre son aversion pour la religion
chretienne dans des vers ou, confondant ensemble les chretiens et les
Juifs, il dit du mal des deux sectes.
C'est par une suite des memes sentimens qu'ayant vu, sur sa route, des
moines dans lile Capraia, il fit contre le monachisme ces autres vers, que
je citerai pour donner une idee de sa maniere.
Processu pelagi jam se Capraria tollit;
Squalet lucifugis insula plena viris.
Ipsi se monachos, Graio cognomine, dicunt,
Quod, soli, nullo vivere teste, volunt.
Munera fortunae metuunt, dum damna verentur:
Quisquam sponte miser, ne miser esse queat.
Quaenam perversi rabies tam crebra cerebri,
Dum mala formides, nec bona posse pati?
[Footnote: "He afterwards," says Gibbon, "mentions a religious madman on
the isle of Gorgona. For such profane remarks, Rutilius and his
accomplices, are styled, by his commentator, Barthius, rabiosi canes
diaboli."]
Son ouvrage contient des details precieux pour le geographe; il y en a meme
quelques uns pour l'antiquaire et l'historien: tels par exemple, que sa
description d'un marais salant, et l'anecdote des livres Sibyllins brules a
Rome par l'ordre de Stilicon.
[Footnote: The verses relating to Stilicho are very spirited and elegant. I
will transcribe them.
Quo magis est facinus diri Stilichonis acerbum,
Proditor arcani qui fuit imperii,
Romano generi dum nititur esse superstes,
Crudelis summis miscuit ima furor.
Dumque timet, quicquid se fecerat ipse timeri,
Immisit Latiae barbara tela neci
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