ivers temps et sous differens
noms, ont peuple, conquis, ou ravage la tres-grande partie de l'Europe et
de l'Asie, se trouvoit pour ainsi dire tout entiere en armes.
Fanatises par les incroyables conquetes d'un de leurs chefs, le fameux
Gengis-Kan; persuades que la terre entiere devoit leur obeir, ces nomades
belliqueux et feroces etoient venus, apres avoir soumis la Chine, se
precipiter sur le nord-est de l'Europe. Par tout ou s'etoient portees leurs
innombrables hordes, des royaumes avoient ete ravages; des nations entieres
exterminees ou trainees en esclavage; la Hongrie, la Pologne, la Boheme,
les frontieres de l'Autriche, devastees d'une maniere effroyable. Rien
n'avoit pu arreter ce debordement qui, s'il eprouvoit, vers quelque cote,
une resistance, se jetoit ailleurs avec plus de fureur encore. Enfin la
chretiente fut frappee de terreur, et selon l'expression d'un de nos
historiens, elle trembla jusqu'a l'Ocean.
Dans cette consternation generale, Innocent IV voulut se montrer le pere
commun des fideles. Ce tendre pere se trouvoit a Lyon, ou il etoit venu
tenir un concile pour excommunier le redoutable Frederic II, qui trois fois
deja l'avoit ete vainement par d'autres papes. La, en accablant l'empereur
de toutes ses foudres, Innocent forme un projet dont l'idee seule annonce
l'ivresse de la puissance; celui d'envoyer aux Tartares des lettres
apostoliques, afin de les engager a poser les armes et a embrasser la
religion chretienne: "ut ab hominum strage desistement et fidei veritatem
reciperent." [Footnote: Vincent Bellovac. Spec histor. lib. xxxii. cap. 2.]
Il charge de ses lettres un ambassadeur; et l'ambassadeur est un
Frere-mineur nomme Jean du Plan de Carpin (Joannes de Plano Carpini,) qui
le jour de Paques, 1245, part avec un de ses camarades, et qui en chemin se
donne un troisieme compagnon, Polonois et appele Benoit.
Soit que l'ordre de Saint-Dominique eut temoigne quelque deplaisir de voir
un pareil honneur defere exclusivement a l'ordre de Saint Francois; soit
qu'Innocent craignit pour ses ambassadeurs les dangers d'un voyage aussi
penible; soit enfin par quelque motif que nous ignorons, il nomma une
seconde ambassade, a laquelle il fit prendre une autre route, et qui fut
composee uniquement de Freres-precheurs. Ceux-ci, au nombre de cinq,
avoient pour chef un nomme Ascelin, et parmi eux etoit un frere Simon, de
Saint-Quentin, dont j'aurai bientot occasion de parler. Ils etoient, comme
les Freres-min
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