xe de croisade.
Plusieurs fois meme les papes employerent tous les ressorts de leur
politique et l'ascendant de leur autorite pour renouer chez les princes
chretiens quelqu'une de ces ligues saintes, ou leur ambition avoit tant a
gagner sans rien risquer que des indulgences.
Philippe-le-Bel, par hypocrisie de zele et de religion, affecta un moment
de vouloir en former une nouvelle pour la France. Philippe-de-Valois, le
prince le moins propre a une enterprise si difficile et qui exigeoit tant
de talens, parut s'en occuper pendant quelques annees. Il recut une
ambassade du roi d'Armenie, entama des negociations avec la cour de Rome,
ordonna meme des preparatifs dans le port de Marseille. Enfin dans
l'intervalle de ces mouvemens, l'an 1332, un dominicain nomme Brochard
(surnomme l'Allemand, du nom de son pays), lui presenta deux ouvrages
Latins composes a dessein sur cet objet.
L'un, dans lequel il lui faisoit connoitre la contree qui alloit etre le
but de la conquete, etoit une description de la Terre-Sainte; et comme il
avoit demeure vingt-quatre ans dans cette contree en qualite de
missionnaire et de predicateur, peu de gens pouvoient alleguer autant de
droits que lui pour en parler.
L'autre, devise en deux livres, par commemoration des deux epees dont il
est mention dans l'Evangile, sous-divise en douze chapitres a l'honneur des
douze apotres, traitoit des differentes routes entre lesquelles l'armee
avoit a choisir, des precautions de detail a prendre pour le succes de
l'entreprise, enfin des moyens de diriger et d'assurer l'expedition.
Quant a celui-ci, dont les matieres concernent entierement la marine et
l'art militaire, on est surpris de voir l'auteur l'avoir entrepris, lui qui
n'etoit qu'un simple religieux. Mais qui ne sait que, dans les siecles
d'ignorance, quiconque est moins ignorant que ses contemporains, s'arroge
le droit d'ecrire sur tout? D'ailleurs, parmi les conseils que Brochard
donnoit au roi et a ses generaux, son experience pouvoit lui en avoir
suggere quelquesuns d'utiles. Et apres tout, puisque dans la classe des
nobles auxquels il eut appartenu de traiter ces objets, il ne se trouvoit
personne peut-etre qui put offrir et les memes connoissances locales que
lui et un talent egal pour les ecrire, pourquoi n'auroit-il pas hasarde ce
qu'ils ne pouvoient faire?
Quoiqu'il en soit du motif et de son excuse, il paroit que l'ouvrage fit
sur le roi et sur son conseil une impression favorable. On vo
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