oit le fanatisme du proselytisme et des conversions;
et c'est-la chez certains esprits une maladie incurable.
Dupe deux fois, il le fut encore par la suite pour un roi de Tunis qu'on
lui avoit represente comme dispose a se faire baptiser. Ce bapteme fut
long-temps sa chimere. Il regardoit comme le plus beau jour de sa vie celui
ou il seroit le parrain de ce prince. Il eut consenti volontiers,
disoit-il, a passer le reste de sa vie dans les cachots d'Afrique, si a ce
prix il eut pu le voir chretien. Et ce fut pour etre le parrain d'un
infidele qu'il alla sur les cotes de Tunis perdre une seconde flotte et une
seconde armee, deshonorer une seconde fois les armes Francaises qu'avoit
tant illustrees la journee de Bovines, enfin perir de la peste au milieu de
son camp pestifere, et meriter ainsi, par les malheurs multiplies de la
France, d'etre qualifie martyr et saint.
Quant a Bergeron, il n'est personne qui ne convienne qu'en publiant sa
traduction il a rendu aux lettres et aux sciences un vrai service, et je
suis bien loin assurement de vouloir en deprecier le merite. Cependant je
suis convaincu qu'elle en auroit d'avantage encore s'il ne se fut point
permis, pour les differens morceaux qu'il y a fait entrer, une traduction
trop libre, et surtout s'il s'y fut interdit de nombreux retranchemens qui
a la verite nous epargnent l'ennui de certains details peu faits pour
plaire, mais qui aussi nous privent de l'inestimable avantage d'apprecier
l'auteur et son siecle. Lui-meme, dans la notice preliminaire d'un des
voyages qu'il a imprimes, il dit l'avoir tire d'un Latin assez grossier ou
il etoit ecrit selon le temps, pour le faire voir en notre angue avec un
peu plus d'elegance et de clarte. [Footnote: Tome I. p. 160, a la suite du
Voyage de Rubruquis.] De-la il est arrive qu'en promettant de nous donner
des relations du treizieme et du quatorzieme sieecle [sic--KTH], il nous en
donne de modernes, qui toutes ont la meme physionomie a peu pres, tandis
que chacune devroit avoir la sienne propre.
Le recueil de Bergeron, bon pour son temps, ne l'est plus pour le notre.
Compose d'ouvrages qui contiennent beaucoup d'erreurs, nous y voudrions des
notes critiques, des discussions historiques, des observations savantes; et
peut-etre seroit-ce aujourd'hui une entreprise utile et qui ne pourroit
manquer d'etre accueillie tres-favorablement du public, que celle d'une
edition nouvelle des voyages anciens, faite ainsi, surtout si l'on y
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