es magasins, on ne l'avait
jamais vu prendre interet a ce qui se faisait ni a ce qui se disait
autour de lui. Combien etait sensible la difference entre la mere et le
fils, car les distractions les plus agreables de son enfance, c'etait
dans ce magasin que mademoiselle Daguillon les avait trouvees, ecoutant,
regardant curieusement les clients, admirant les pieces d'orfevrerie
exposees dans les vitrines, et la plus heureuse petite fille du monde
lorsqu'on lui permettait d'en prendre quelques-unes (de celles qui
n'etaient pas terminees bien entendu) pour jouer a la marchande avec ses
camarades.
Mais etait-il sage de s'inquieter de l'apathie d'un enfant? plus tard la
raison viendrait, et, quand il comprendrait la vie, il ne resterait
assurement pas insensible aux avantages que sa naissance lui donnait.
L'age seul etait venu, et lorsque, ses etudes finies, Leon etait entre
dans la maison paternelle, il avait garde son apathie et son
indifference, restant de glace pour les joies commerciales, insensible
aux bonnes aussi bien qu'aux mauvaises affaires.
Sans doute il n'avait pas nettement declare qu'il ne voulait point etre
commercant, car il n'etait point dans son caractere de proceder par des
affirmations de ce genre. D'humeur douce, ayant l'horreur des
discussions, aimant tendrement son pere et sa mere, enfin etant habitue
depuis son enfance a entendre les esperances de ses parents, il ne
s'etait pas senti le courage de dire franchement que la gloire d'etre un
Daguillon ne l'eblouissait pas, et qu'il ne sentait pas la vocation
necessaire pour remplir convenablement ce role.
Mais, ce qu'il n'avait pas dit, il l'avait laisse entendre, sinon en
paroles, au moins en actions, par ses manieres d'etre avec les clients,
avec les employes, les ouvriers, avec tous et dans toutes les
circonstances.
Si M. et madame Haupois-Daguillon avaient exige de leur fils le zele et
l'exactitude d'un commis ou d'un associe, ils auraient pu s'expliquer
son apathie et son indifference par la paresse; mais cette explication
n'etait malheureusement pas possible.
Leon n'etait pas paresseux; collegien, il avait figure parmi les
laureats du grand concours; eleve de l'Ecole de droit, il avait passe
tous ses examens regulierement et avec de bonnes notes; enfin, dans
l'atelier ou il avait appris le dessin, il avait acquis une habilete et
une surete de main qu'une longue application peut seule donner.
Et puis, d'autre part, ce n'etait pas du ze
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