le fut: c'etait
d'abandonner son appartement de la rue de Rivoli pour coucher rue
Royale.
Lorsque le dernier des Daguillon, qui etait le pere de madame Haupois,
avait quitte le quartier du Louvre, ou sa maison avait ete fondee, pour
la transferer rue Royale, il avait installe son appartement a cote de
ses magasins; mais plus tard lorsque, sous la direction de M. Haupois,
les affaires de la maison s'etaient developpees et avaient atteint leur
apogee, il avait fallu prendre cet appartement pour le transformer en
salons d'exposition, en bureaux, en magasins. De ce qui jusqu'a ce jour
avait servi a l'habitation particuliere on n'avait conserve qu'une
chambre avec une cuisine. Et pour loger la famille on avait du louer un
appartement rue de Rivoli, entre la rue de Luxembourg et la rue
Saint-Florentin. C'etait la que les enfants avaient grandi, en bon air,
au soleil, les yeux egayes par la verdure des Tuileries. Mais cet
appartement confortable, madame Haupois-Daguillon ne l'avait guere
habite, car obligee de rester rue Royale, ou l'oeil du maitre etait
necessaire, elle avait conserve sa chambre aupres de ses magasins, la
premiere levee, la derniere couchee, ne vivant de la vie de famille que
le dimanche seulement.
Tant que durerait l'absence de ses parents, Leon devait habiter cette
chambre, remplacer ainsi sa mere, et comme elle faire bonne garde sur
toutes choses.
Mais pour coucher rue Royale Leon ne s'etait pas trouve oblige a
s'occuper plus attentivement des affaires de la maison: il avait rempli
le role de gardien, voila tout, et encore en dormant sur les deux
oreilles.
Pour le reste, il avait laisse les choses suivre leur cours, et quand le
vieux caissier, le venerable Savourdin, bonhomme a lunettes d'or et a
cravate blanche le priait chaque soir de verifier la caisse, il
s'acquittait de cette besogne avec une nonchalance veritablement
inexplicable. Quelle difference entre la mere et le fils! et le bonhomme
Savourdin, qui avait des lettres, s'ecriait de temps en temps: _O
tempora, o mores!_ en se demandant avec angoisse a quels abimes courait
la societe.
Il y avait deja douze jours que M. et madame Haupois-Daguillon etaient
partis pour les eaux de Balaruc, lorsqu'un jeudi matin, en classant le
courrier que le facteur venait d'apporter, le bonhomme Savourdin trouva
une lettre adressee a M. Leon Haupois, avec la mention "personnelle et
pressee" ecrite au haut de sa large enveloppe.
Aussitot il appela un ga
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