monde
parisien, elle le connaissait; il n'y avait que ces gens-la qui
l'interessaient; elle parlait de leur naissance; elle savait sur le bout
du doigt leur parente; elle annoncait leur mariage, et alors comme pour
le frere je me disais: "Il faudra voir;" j'ai vu; elle a epouse un
noble.
--Baronne Valentin, la belle affaire en verite.
--Enfin elle a des armoiries, et la preuve c'est qu'on vient de lui
finir a la fabrique une garniture de boutons en or pour un de ses
paletots, avec sa couronne de baronne gravee sur chaque bouton; c'est
tres-joli.
--Ridicule de parvenu, mon cher, voila tout; on fait porter ses armes
par ses valets, on ne les porte pas soi-meme.
Un coup de sonnette interrompit cette conversation.
III
Lorsque Joseph entra dans la chambre de son maitre, celui-ci etait
debout, le dos appuye contre un des chambranles de la fenetre, occupe a
allumer une cigarette: les manches de la chemise de nuit retroussees, le
col rejete de chaque cote de la poitrine, les cheveux ebouriffes, il
apparaissait, dans le cadre lumineux de la fenetre, comme un grand et
beau garcon, au torse vigoureux, avec une tete aux traits reguliers,
harmonieux, aux yeux doux, a la physionomie ouverte et bienveillante.
--Une lettre pour monsieur, dit Joseph. L'adresse porte: "Personnelle et
pressee."
--Donnez, dit-il nonchalamment.
Mais aussitot qu'il eut jete les yeux sur l'adresse, l'interet remplaca
l'indifference.
--Vite une voiture, s'ecria-t-il en jetant cette lettre sur la table, un
cheval qui marche bien; courez.
Comme Joseph se dirigeait vers la porte, son maitre le rappela:
--Savez-vous a quelle heure part l'express pour Caen?
--A neuf heures.
--Quelle heure est-il presentement?
--Huit heures quarante.
--Allez vite; trouvez-moi un bon cheval; quand la voiture sera a la
porte, courez rue de Rivoli et mettez-moi dans un sac a main du linge
pour trois ou quatre jours, puis revenez en vous hatant de maniere a me
remettre ce sac.
Tout en donnant ces ordres d'une voix precipitee, il s'etait mis a sa
toilette; en quelques minutes il fut habille et pret a partir.
Alors, sortant vivement de sa chambre, il passa dans les magasins et se
dirigea vers la caisse:
--Savourdin, je pars.
--C'est impossible. J'ai des signatures a vous demander.
--Vous vous arrangerez pour vous en passer.
Le vieux caissier leva au ciel ses deux bras par un geste desespere,
mais Leon lui avait deja tourne le d
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