e, car il lui
etait agreable d'entendre les cris d'admiration qui retentissaient de
toutes parts, quand elle rejetait brusquement le capuchon qui cachait
son joli visage. Ses allures naturellement gracieuses, s'accordaient
toujours si bien avec les personnages qu'elle representait, qu'on ne
pouvait la regarder sans se croire sous l'empire du plus charmant et
du plus espiegle des farfadets.
Ces sortes de deguisements lui valaient encore un autre genre de
triomphe, auquel elle attachait le plus grand prix; celui de faire
paraitre dans tout son eclat, le talent avec lequel elle executait des
danses de caractere et des pantomimes.
Un jeune cavalier de sa suite, qui s'etait exerce a accompagner sur le
piano ses attitudes et ses gestes par des airs analogues, savait si
bien lire ses desirs dans ses yeux, qu'il lui suffisait d'un coup
d'oeil pour deviner sa pensee.
Au milieu d'une brillante soiree dansante, elle jeta sur lui un de
ces regards significatifs; il la comprit et la supplia aussitot de
surprendre la societe par une representation improvisee. Cette demande
parut l'embarrasser; elle se fit prier longtemps contre son habitude,
feignit d'hesiter sur le choix du sujet et finit, a l'exemple de tous
les improvisateurs, par demander qu'on lui en donnat un; le jeune
cavalier lui indiqua celui d'Artemise au tombeau de son mari.
Luciane s'eloigna et reparut bientot sous le costume de la royale
veuve. Sa demarche etait grave et imposante, une marche funebre
savamment executee sur le piano soutenait ses gestes et ses attitudes,
et ses yeux ne quittaient point l'urne funebre qu'elle tenait dans
ses mains. Deux pages en grand deuil la suivaient, portant un grand
tableau noir et un morceau de crayon blanc. Un autre cavalier de sa
suite, qui etait egalement dans le secret, poussa l'Architecte au
milieu du cercle qui s'etait forme autour d'Artemise; mais il avait eu
soin de l'avertir qu'il ne pouvait se dispenser de jouer, dans cette
scene, le role qui lui appartenait de droit, c'est-a-dire de dessiner
sous les yeux de la reine un mausolee digne de sa douleur et du mort
qui en etait l'objet.
Cette exigence lui fut d'autant plus desagreable que son costume noir,
il est vrai, mais etroit et a la mode, contrastait d'une maniere
bizarre avec la couronne, les franges, les glands de jais, les voiles
de crepe et les draperies de velours de la reine. Prenant toutefois
son parti en homme d'esprit et de bonne compagnie, il s'avanca
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