our Ottilie.
Les jeunes filles examinent probablement, dans leur silence pudique,
les jeunes hommes de leur societe habituelle, en se demandant a
elles-memes lequel elles desireraient pour epoux. Mais la femme
chargee de l'avenir d'une fille ou d'une jeune parente etend ses
recherches sur un cercle plus vaste; Charlotte se trouvait dans ce
cas: aussi son imagination lui representa-t-elle le Capitaine qui,
quelques mois plus tot, avait occupe un des sieges restes vides dans
la cabane, et elle crut voir en lui le futur mari d'Ottilie; car elle
savait qu'il n'y avait plus aucun espoir de conclure le brillant
mariage que le Comte avait projete pour lui.
La jeune fille prit l'enfant dans ses bras et suivit Charlotte qui
venait de sortir brusquement de la cabane pour continuer sa promenade,
pendant laquelle elle s'abandonna a une foule de reflexions.
--La terre ferme a aussi ses naufrages, se dit-elle a elle-meme, et
il est aussi louable qu'utile de chercher a reparer ces desastres
inevitables le plus promptement possible. La vie est-elle autre chose
qu'un echange perpetuel de pertes et de gains? Qui de nous n'a pas ete
arrete dans un projet favori? detourne de la route qu'il croyait avoir
choisie pour toujours? Que de fois n'avons-nous pas abandonne le but
vers lequel nous tendions depuis longtemps, pour aspirer a un prix
plus noble et plus grand? Lorsqu'un voyageur brise sa voiture en
route, cet accident lui parait facheux, et cependant il lui vaut
parfois une connaissance, un lien nouveau qui embellira le reste de sa
vie. Oui, le destin se plait a realiser nos voeux, mais a sa maniere;
il aime a nous donner plus que nous ne demandions d'abord.
En arrivant sur le haut de la montagne, pres de la maison d'ete,
Charlotte trouva pour ainsi dire la realisation des pensees auxquelles
elle venait de se livrer, car le tableau qui se deroulait sous ses
yeux depassait ses esperances. Tout ce qui aurait pu nuire a l'effet
de l'ensemble en lui donnant un cachet de petitesse ou de confusion,
avait disparu. La beaute calme et grandiose du paysage se dessinait
nettement aux regards etonnes, qui se reposaient avec plaisir sur
la verdure naissante des plantations nouvelles, destinees a unir
agreablement les parties trop coupees.
La vue dont on jouissait des fenetres du premier etage de la maison
etait aussi belle que variee, et faisait pressentir le charme que
devaient necessairement lui preter les variations des effets de
lumier
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