'ils emploient, et ce n'est que par les
resultats, par les faits accomplis dont chacun est force d'accepter sa
part, que la communaute de pensee et d'action se retablit.
C'est ainsi qu'apres une foule d'evenements aussi singuliers que
malheureux, chacune des deux dames s'etait renfermee dans une gravite
imposante, qui ne les empecha cependant pas d'avoir l'une pour l'autre
les procedes les plus delicats. Charlotte avait fait deposer en
silence et presque avec mystere son malheureux enfant dans la
chapelle, ou il dormait comme une premiere victime d'un avenir encore
gros de catastrophes funestes.
Mille autres soins, plus ou moins importants et dont elle s'acquittait
avec une exactitude scrupuleuse, prouvaient que le sentiment du devoir
avait donne a Charlotte la force d'agir de nouveau dans la vie active.
La, elle trouva d'abord Ottilie qui, plus que tout autre, avait besoin
de sa sollicitude, et elle ne s'occupa plus que d'elle, mais avec tant
de delicatesse, que la noble enfant ne put pas meme s'apercevoir
de cette preference. Elle savait enfin combien cette enfant aimait
Edouard, et par les aveux qui lui echappaient malgre elle, et par les
lettres que le Major lui ecrivait chaque jour.
De son cote, Ottilie faisait tout ce qui etait en son pouvoir pour
rendre plus douce la position actuelle de sa tante. Elle etait
franche, communicative meme; mais jamais elle ne parlait du present
ou d'un passe trop rapproche. Elle avait toujours beaucoup ecoute,
beaucoup observe, et elle recueillit enfin les fruits de cette louable
habitude; car elle lui fournit le moyen d'amuser, de distraire
Charlotte qui, au fond de son coeur, nourrissait l'espoir de voir uni,
tot ou tard, le couple qui lui etait devenu si cher.
L'ame d'Ottilie etait dans une situation bien differente. Elle avait
revele le secret de sa vie a sa tante, qui etait devenue enfin son
amie; et elle se sentait affranchie de la servitude dans laquelle elle
avait vecu jusque la; le repentir et la resolution qu'elle avait prise
la debarrassaient du fardeau de ses fautes et du crime dont le destin
l'avait rendue coupable. Elle n'avait plus besoin de se dominer
elle-meme, elle s'etait pardonnee au fond de son coeur, a la
condition de renoncer a tout bonheur personnel: aussi cette condition
devait-elle necessairement etre irrevocable.
Plusieurs semaines s'ecoulerent ainsi, et Charlotte finit par sentir
que cette delicieuse maison d'ete, son lac, ses rochers et ses
pr
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