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nous vivons et respirons a notre aise. Voila pourquoi nous retrouvons
presque toujours, apres une longue absence, les amis dont la
versatilite nous a souvent desesperes, tels que nous les avons
quittes.
C'etait ainsi que nos amis semblaient, dans leurs rapports de chaque
jour, se mouvoir dans le meme cercle. Malgre son silence obstine,
Ottilie trouvait moyen de prouver par une foule de petites prevenances
qu'elle etait toujours serviable et bonne, et chacun avait repris
ses allures et son caractere. Enfin, cet interieur refletait si
parfaitement l'image du passe, qu'il etait possible, permis meme
de croire que rien n'y etait change, ou que, du moins, tous s'y
remettraient bientot completement sur l'ancien pied.
On etait en automne et les jours ressemblaient par leur duree a ceux
du printemps, ou le Capitaine et Ottilie furent appeles au chateau.
Les heures de promenades et celles des reunions au salon etaient les
memes; et les fruits et les fleurs de la saison actuelle paraissaient
etre les produits de cet heureux printemps. On croyait les avoir
cultives et semes ensemble; tout ce qui s'etait passe entre ces deux
epoques etait tombe dans l'oubli.
Le Major allait et venait sans cesse du chateau a la residence, et de
la residence au chateau; Mittler aussi venait souvent voir les amis.
Les amusements des soirees avaient repris leur cours regulier. Edouard
mettait, dans ses lectures habituelles, plus de feu et de sentiment
que jamais, on aurait dit qu'il cherchait, tantot par la gaite
et tantot par le sentiment, a faire revenir Ottilie de son
engourdissement et a triompher de son silence obstine. Tenant comme
autrefois son livre de maniere a ce qu'elle put y lire, il etait
inquiet, distrait chaque fois qu'il n'avait pas la certitude qu'elle
devancait du regard chaque mot qu'il prononcait.
Les soupcons, les inquietudes, les susceptibilites du passe s'etaient
completement evanouis. Le violon du Major s'unissait instinctivement
au piano, quand Charlotte le tenait, et la flute d'Edouard se mariait
avec bonheur au jeu d'Ottilie, quand les touches de cet instrument
vibraient sous les doigts de la jeune fille.
Ce fut dans cette disposition d'esprit qu'on vit approcher
l'anniversaire de la naissance du Baron, pour laquelle l'annee
precedente on avait vainement espere son retour au chateau. Cette fois
on s'etait promis de celebrer ce jour dans une douce et silencieuse
intimite. A mesure qu'il approchait, Ottilie deven
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