s de son ancienne ennemie.
Les annees pendant lesquelles ils avaient vecu eloignes l'un de
l'autre, leur fournissaient des sujets interminables pour de longs et
interessants recits. Parfois aussi ils se plaisantaient mutuellement
sur leurs querelles d'enfance; et tous deux se croyaient, au fond
de leurs coeurs, obliges de reparer leurs torts par des attentions
aimables. Il leur semblait meme qu'ils ne s'etaient jamais meconnus,
et qu'ils n'avaient ete qu'egares par une rivalite naturelle entre
deux enfants auxquels la nature a donne les memes desirs, les memes
pretentions. Puisqu'ils avaient enfin appris a s'apprecier, leur
ancienne hostilite n'etait plus a leurs yeux qu'une lutte pour
etablir l'equilibre d'ou devaient naturellement naitre l'estime et
l'affection.
Ce changement se fit dans l'ame du jeune homme d'une maniere vague
et calme. Preoccupe des devoirs de son etat dans lequel il esperait
arriver a un grade eleve; anime du desir de perfectionner ses
connaissances acquises, et d'approfondir toutes les sciences en
rapport avec la carriere militaire, il accepta la bienveillance
marquee de la belle fiancee, comme un plaisir passager, une
distraction de voyageur. Voyant deja en elle la femme d'un autre, il
ne supposa pas meme qu'il fut possible d'envier le bonheur du futur
avec lequel il vivait dans une intimite qui touchait de pres a
l'amitie.
La jeune fille etait dans une disposition d'esprit bien differente, il
lui semblait qu'elle venait de se reveiller d'un long reve. Son petit
voisin avait ete l'objet de sa premiere, de sa seule passion; en se
rappelant la guerre ouverte dans laquelle elle avait vecu avec lui,
elle reconnut qu'elle y avait ete poussee par un sentiment violent,
mais agreable, d'ou elle conclut que sa pretendue haine etait de
l'amour; et qu'elle n'avait jamais aime que lui. Bientot elle arriva
a se convaincre que sa manie de l'attaquer les armes a la main, et de
lui tendre des pieges, au risque de le blesser, lui avait ete inspiree
par le besoin de s'occuper de lui et d'attirer son attention. Elle
crut meme se souvenir distinctement que pendant la lutte ou il etait
parvenu a la dompter et a lui lier les mains, elle s'etait laisse
aller a une sensation enivrante que jamais rien depuis ne lui avait
fait eprouver.
Ne voyant plus qu'un malheur dans la meprise qui avait eloigne son
jeune voisin, elle deplora l'aveuglement d'un amour qui s'etait
manifeste sous les apparences de la haine, et mau
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