ent. L'ensemble etait plutot un effet de nuit que
de crepuscule, et pourtant chaque detail se voyait et se dessinait
distinctement. L'artiste avait eu l'heureuse idee de faire de
l'Enfant-Dieu, le centre de lumiere, a l'aide d'un mecanisme savant
qui portait les lampions. Ce mecanisme etait cache par les figures
placees sur le premier plan et a demi eclairees par des rayons
obliques. D'autres lampions places au-dessous eclairaient vivement, de
bas en haut, les frais visages des jeunes filles et des jeunes garcons
poses ca et la, sur les divers points du tableau. Des anges, dont
l'eclat palissait et dont l'enveloppe brillante et aerienne paraissait
epaisse et sombre devant la transparente clarte que repandait le Dieu
qui venait de naitre, contribuaient puissamment a la perfection de
l'ensemble.
Par un hasard favorable, l'enfant s'etait endormi dans une gracieuse
position, et le regard pouvait, sans rencontrer aucune distraction,
se reposer sur la mere. Eclairee par les faisceaux de lumiere que son
fils refletait sur elle, elle relevait, avec une grace infinie et
modeste, un pan du voile qui enveloppait cet enfant precieux. Tous
les personnages secondaires du tableau, materiellement eblouis par
la lumiere, et moralement penetres de respect, paraissaient avoir un
instant detourne leurs regards fatigues par tant d'eclat, pour les
reporter aussitot, avec une curiosite invincible, sur le miracle qui
semblait leur causer plus de surprise et de plaisir que d'admiration
et de terreur. Mais pour ne pas exclure entierement ces deux
sentiments, inseparables de la nature d'un pareil sujet, l'Architecte
avait eu soin d'en confier l'expression a quelques vieillards, dont
les tetes antiques se dessinaient dans un clair obscur merveilleux.
L'attitude, le regard, le visage, toute la personne enfin d'Ottilie
surpassait l'ideal le plus parfait qu'eut jamais reve le peintre
le plus habile. Si un connaisseur avait ete temoin de cette
representation, il aurait craint de la voir changer de nature
en perdant son immobilite; mais l'Architecte seul etait capable
d'apprecier cette grande et merveilleuse beaute artistique; il en
jouissait reellement, et cependant il ne pouvait la contempler sous
son veritable point de vue, car il y figurait lui-meme en qualite de
berger.
Qui oserait decrire ce qu'il y avait de vraiment sublime dans Ottilie?
Son ame pure sentait tout ce que la reine du ciel avait du eprouver en
ce moment, ou tant d'honneurs i
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