mesures, que rien d'important ne pouvait se passer au chateau
sans qu'il en fut instruit a l'instant. Son air etait triomphant, et
il ne modera sa joie en presence d'Ottilie qu'a la priere reiteree de
Charlotte. Au reste, cet homme singulier possedait l'activite et la
resolution necessaires pour faire disparaitre les difficultes que
soulevait la naissance de l'enfant. Il hata les apprets du bapteme,
car le vieux pasteur avait deja un pied dans la tombe, et la
benediction de ce digne vieillard lui paraissait plus efficace pour
rattacher l'avenir au passe, que celle d'un jeune successeur. Quant au
nom, il choisit celui d'Othon, car c'etait, disait-il, celui du pere
et de son meilleur ami.
La perseverance seule eut ete insuffisante pour vaincre les scrupules,
les hesitations, les conseils timides, les avis opposes et les
tatonnements qui renaissent a chaque instant dans les positions
delicates ou l'on ne veut blesser aucune exigence; il fallait de
l'opiniatrete, et Mittler etait opiniatre. Lui-meme ecrivit les
lettres de faire part, et les fit porter par des messagers a cheval,
car il tenait a faire connaitre, le plus tot possible, aux voisins
malveillants et aux amis veritables un evenement qui, selon lui, ne
pouvait manquer de retablir la paix dans une famille trop visiblement
troublee par la passion d'Edouard, pour n'etre pas devenue l'objet de
l'attention generale; le monde, au reste, est toujours pret a croire
que tout ce qui se fait n'arrive que pour lui fournir des sujets de
conversation. Les apprets du bapteme furent bientot termines; il
devait avoir lieu d'une maniere imposante, mais sans pompe. Au jour et
a l'heure indiques, le vieux pasteur, soutenu par un servant, entra
dans la salle du chateau, ou quelques amis intimes s'etaient reunis
pour assister a la ceremonie. Ottilie devait etre la marraine et
Mittler le parrain.
Des que la premiere priere fut terminee, la jeune fille prit l'enfant
sur ses bras pour le presenter au bapteme; ses regards s'arreterent
sur lui avec une douce tendresse, et rencontrerent ses grands yeux
qu'il venait d'ouvrir pour la premiere fois. En ce moment elle
crut voir ses propres yeux, et cette ressemblance frappante la fit
tressaillir. Lorsque Mittler prit l'enfant a son tour, il eprouva une
surprise tout aussi grande, mais d'une nature bien differente; car il
reconnut sur ce jeune visage les traits du Capitaine reproduits avec
une fidelite dont il n'avait pas encore vu d'exemple.
|