e des hotes insignifiants dont se composait le cortege
de Luciane, et s'etait presque toujours entretenu avec lui. En lui
parlant, elle apprenait a connaitre le monde qu'Edouard lui avait fait
oublier. Un meme penchant les rapprochait, il ressemblait a celui qui
unit un pere a sa fille, et cependant la Baronne s'en etait offensee.
Si elle eut encore ete a cette epoque de la vie ou les passions
sont violentes, elle aurait sans doute persecute la pauvre Ottilie.
Heureusement pour cette jeune fille l'age l'avait rendue plus calme et
elle ne forma contre elle d'autres projets que celui de l'etablir le
plus tot possible, afin de la mettre dans l'impossibilite de nuire aux
femmes mariees.
Ce fut dans ce but qu'elle encouragea avec autant de prudence que
d'adresse les voeux du Professeur, qui finit par lui confier ses
esperances; et elle les fortifia au point qu'il prit la resolution de
se rendre au chateau de Charlotte, autant pour revoir son eleve que
pour la demander a sa tante. La maitresse du pensionnat approuva ce
voyage, et il partit le coeur plein de joie; car il croyait devoir
compter sur l'affection de son eleve. Quant a la distinction des
rangs, l'esprit de l'epoque l'effacait naturellement, surtout parce
qu'Ottilie etait pauvre, consideration que la Baronne n'avait pas
manque de faire valoir, en ajoutant que sa proche parente avec
une famille riche n'etait qu'un avantage illusoire. En effet, les
personnes les plus favorisees par la fortune se croient rarement
le droit de priver leurs heritiers directs d'une somme un peu
considerable pour en disposer en faveur de parents plus eloignes. Par
une bizarrerie qui tire sans doute son origine d'un respect instinctif
pour les droits de la naissance, nous semblons craindre de laisser,
apres notre mort, ce que nous possedions pendant notre vie aux
personnes que nous aimions le mieux; car nous le leguons presque
toujours a celles a qui la loi l'aurait accorde, si nous n'avions
designe personne. C'est ainsi que le dernier acte de notre existence
n'est point un choix libre et independant, mais un hommage rendu aux
institutions et aux convenances sociales.
L'accueil bienveillant que la tante et la niece firent au Professeur
l'affermit dans la conviction qu'il pouvait, sans temerite, pretendre
a la main de son ancienne eleve. S'il trouva moins de laisser-aller
dans la conduite de cette jeune personne envers lui, elle lui parut,
en general, plus communicative; il remarqua avec
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