deraient pas
a imiter cet exemple. Le sejour de plus de deux mois que sa fille
venait de faire pres d'elle, l'avait suffisamment convaincue que son
union avec l'homme qu'on lui destinait, lui assurerait un heureux
avenir. Ce jeune gentilhomme, en effet, ne se bornait pas a l'aimer
tendrement, il etait fier d'elle. Riche, mais modere dans ses desirs,
toute son ambition se renfermait dans la possession d'une femme
generalement admiree. Son besoin de voir tout en cette femme, et de
n'etre quelque chose que pour et par elle, etait si prononce, qu'il se
sentait douloureusement affecte, lorsqu'une connaissance nouvelle ne
donnait pas toute son attention a Luciane, et cherchait plutot a se
mettre en rapport avec lui, ainsi que cela lui arrivait quelquefois,
surtout avec les hommes d'un certain age et d'un caractere grave,
dont il gagnait l'estime et la bienveillance par son merite et son
amabilite.
Les arrangements du futur avec l'Architecte n'avaient pas ete longs
a conclure. Apres le nouvel an, l'artiste devait venir rejoindre
le jeune couple dans la capitale, ou il se proposait de passer le
carnaval. Luciane se promettait d'exploiter cette epoque de folies par
les plaisirs les plus vifs et les plus varies. La representation
des tableaux qui lui avaient deja valu tant de brillants succes,
occupaient le premier rang sur la liste de ses projets d'amusement.
Elle ne songea pas meme a l'argent que pourrait couter la realisation
de ces projets, car sa grande-tante et son futur l'avaient accoutumee
a n'attacher aucune importance aux sommes qu'elle dissipait pour ses
plaisirs.
Le depart de Luciane et de sa suite etait definitivement arrete; mais
il ne pouvait s'effectuer de la maniere habituelle et vulgaire, car
chez elle tout avait un cachet en dehors des allures ordinaires de la
vie.
A la fin d'un splendide diner qui avait surexcite la gaite des
convives, on railla la maitresse du chateau sur la rapidite avec
laquelle on avait devore toutes ses provisions d'hiver, et sur la
fausse honte qui l'empechait d'avouer franchement a ses hotes qu'ils
n'avaient qu'a chercher fortune ailleurs puisqu'elle ne pouvait plus
les nourrir.
Le gentilhomme qui, dans la representation des tableaux, s'etait
charge du personnage de Belisaire, aspirait depuis longtemps au
bonheur de posseder la charmante Luciane chez lui; son immense fortune
lui permettait de satisfaire toutes les fantaisies de cet objet de son
adoration. Encourage par la pla
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