tout ce qui
pouvait se mouvoir a prendre part aux danses et aux divertissements
bruyants. Et qui aurait ose rester immobile, quand une aussi
seduisante jeune fille exigeait le mouvement et l'action?
Toutefois, si elle ne voyait et ne demandait jamais que son plaisir
a elle, les autres trouvaient aussi leur compte dans son humeur
bruyante; les hommes surtout; car, grace au tact merveilleux avec
lequel elle distribuait ses prevenances et ses agaceries, chacun d'eux
se croyait le mieux partage. Dominee par le besoin de plaire toujours
et a tout le monde, elle n'epargna pas meme les hommes d'un caractere
grave ou avances en age, quand leur rang ou leur position sociale leur
donnait quelqu'importance. Pour les captiver, elle avait recours a
toutes sortes d'attentions delicates, telles que de celebrer leurs
fetes de naissance ou de nom, dont elle s'etait procuree les dates par
des detours adroits.
Chez elle la malignite etait pour ainsi dire erigee en systeme; peu
satisfaite d'humilier la sagesse et le merite, en les reduisant a
rendre hommage a ses extravagances, elle aimait a se jouer des hommes
jeunes et etourdis, en les enchainant a son char, au jour et a l'heure
qu'elle avait fixes d'avance pour leur defaite.
L'Architecte avait attire son attention, beaucoup moins par ses
manieres distinguees, que par sa chevelure noire et bouclee, a travers
laquelle il regardait avec tant d'ingenuite; mais il continua a se
tenir eloigne d'elle, repondit laconiquement a ses questions, et
l'evita avec un calme si parfait, qu'elle se sentit presque offensee
de sa conduite. Pour l'en punir et le forcer a grossir le cortege de
ses adorateurs, elle se promit de le faire le heros d'une brillante
journee.
Ce n'etait pas seulement par manie qu'elle se faisait toujours
preceder dans ses voyages par une immense quantite de malles et de
caisses; elle en avait reellement besoin pour satisfaire les nombreux
caprices dont la prompte realisation etait pour elle un besoin. Jamais
elle ne faisait moins de quatre toilettes par jour, et souvent meme il
ne lui suffisait pas de varier ainsi les costumes que les usages du
monde elegant assignent a chaque partie de la journee, elle inventait
encore les deguisements les plus extraordinaires, qu'elle realisait
dans les moments ou on s'y attendait le moins. C'est ainsi qu'apres
une courte absence des salons, elle s'y glissait furtivement vetue en
paysanne, en fee, en bouquetiere, et meme en vieille femm
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