t des grives qui, du
haut d'un sorbier, me faisaient signe de venir a elles.--Voila enfin de
bonnes ames, pensai-je. Elles me firent place en riant comme des folles,
et je me fourrai aussi lestement dans leur groupe emplume qu'un billet
doux dans un manchon. Mais je ne tardai pas a juger que ces dames
avaient mange plus de raisin qu'il n'est raisonnable de le faire; elles
se soutenaient a peine sur les branches, et leurs plaisanteries de
mauvaise compagnie, leurs eclats de rire et leurs chansons grivoises me
forcerent de m'eloigner.
Je commencais a desesperer, et j'allais m'endormir dans un coin
solitaire, lorsqu'un rossignol se mit a chanter. Tout le monde aussitot
fit silence. Helas! que sa voix etait pure! que sa melancolie meme
paraissait douce! Loin de troubler le sommeil d'autrui, ses accords
semblaient le bercer. Personne ne songeait a le faire taire, personne ne
trouvait mauvais qu'il chantat sa chanson a pareille heure; son pere ne
le battait pas, ses amis ne prenaient pas la fuite.
--Il n'y a donc que moi, m'ecriai-je, a qui il soit defendu d'etre
heureux! Partons, fuyons ce monde cruel! Mieux vaut chercher ma route
dans les tenebres, au risque d'etre avale par quelque hibou, que de me
laisser dechirer ainsi par le spectacle du bonheur des autres!
Sur cette pensee, je me remis en chemin et j'errai longtemps au hasard.
Aux premieres clartes du jour, j'apercus les tours de Notre-Dame. En un
clin d'oeil j'y atteignis, et je ne promenai pas longtemps mes regards
avant de reconnaitre notre jardin. J'y volai plus vite que l'eclair...
Helas! il etait vide... J'appelai en vain mes parents: personne ne me
repondit. L'arbre ou se tenait mon pere, le buisson maternel, l'ecuelle
cherie, tout avait disparu. La cognee avait tout detruit; au lieu de
l'allee verte ou j'etais ne, il ne restait qu'un cent de fagots.
VI
Je cherchai d'abord mes parents dans tous les jardins d'alentour, mais
ce fut peine perdue; ils s'etaient sans doute refugies dans quelque
quartier eloigne, et je ne pus jamais savoir de leurs nouvelles.
Penetre d'une tristesse affreuse, j'allai me percher sur la gouttiere ou
la colere de mon pere m'avait d'abord exile. J'y passais les jours et
les nuits a deplorer ma triste existence. Je ne dormais plus, je
mangeais a peine: j'etais pres de mourir de douleur.
Un jour que je me lamentais comme a l'ordinaire:
--Ainsi donc, me disais-je tout haut, je ne suis ni un merle, puisque
mon pere me
|