ait
souffrir jusqu'au bout, et, quoi qu'il arrive, finit par faire ce
qu'il a resolu.
Mais un jeune homme ne peut avoir l'opinion d'un vieillard, car il
voit les memes choses avec d'autres yeux.
Sur ces entrefaites, arriva le _polk_ de Tarass Boulba amene par
Tovkatch. Il etait accompagne de deux _iesaouls_, d'un greffier et
d'autres chefs, conduisant une troupe d'environ quatre mille
hommes. Dans ce nombre, se trouvaient beaucoup de volontaires,
qui, sans etre appeles, avaient pris librement du service, des
qu'ils avaient connu le but de l'expedition. Les _iesaouls_
apportaient aux fils de Tarass la benediction de leur mere, et a
chacun d'eux une petite image en bois de cypres, prise au celebre
monastere de Megigorsk a Kiew. Les deux freres se pendirent les
saintes images au cou, et devinrent tous les deux pensifs en
songeant a leur vieille mere. Que leur prophetisait cette
benediction? La victoire sur l'ennemi, suivie d'un joyeux retour
dans la patrie, avec du butin, et surtout de la gloire digne
d'etre eternellement chantee par les joueurs de _bandoura_, ou
bien...? Mais l'avenir est inconnu; il se tient devant l'homme,
semblable a l'epais brouillard d'automne qui s'eleve des marais.
Les oiseaux le traversent eperdument, sans se reconnaitre, la
colombe sans voir l'epervier, l'epervier sans voir la colombe, et
pas un d'eux ne sait s'il est pres ou loin de sa fin.
Apres la reception des images, Ostap s'occupa de ses affaires de
chaque jour, et se retira bientot dans son _kouren_. Pour Andry,
il ressentait involontairement un serrement de coeur. Les Cosaques
avaient deja pris leur souper. Le soir venait de s'eteindre; une
belle nuit d'ete remplissait l'air. Mais Andry ne rejoignait pas
son _kouren_, et ne pensait point a dormir. Il etait plonge dans
la contemplation du spectacle qu'il avait sous les yeux. Une
innombrable quantite d'etoiles jetaient du haut du ciel une
lumiere pale et froide. La plaine, dans une vaste etendue, etait
couverte de chariots disperses, que chargeaient les provisions et
le butin, et sous lesquels pendaient les seaux a porter le
goudron. Autour et sous les chariots, se voyaient des groupes de
Zaporogues etendus dans l'herbe. Ils dormaient dans toutes sortes
de positions. L'un avait mis un sac sous sa tete, l'autre son
bonnet; celui-ci s'appuyait sur le flanc de son camarade. Chacun
portait a sa ceinture un sabre, un mousquet, une petite pipe en
bois, un briquet et des poincons. Les boe
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