du coeur de maman.
Elle dit: "Donnez-moi cette lettre, Paul."
Quand elle eut fini de la lire, je la demandai a mon tour. La voici:
"Monsieur le comte, je croi devoir vou faire asavoir que votre bofrere le
marqui de Fumerold, va mourir. Peut etre voudre vous prendre des
disposition, et ne pas oublie que je vous ai prevenu.
"Votre servante,
"MELANI."
Papa murmura: "Il faut aviser. Dans ma situation, je dois veiller sur les
derniers moments de votre frere."
Maman reprit: "Je vais faire chercher l'abbe Poivron et lui demander
conseil. Puis j'irai trouver mon frere avec l'abbe et Roger. Vous, Paul,
restez ici. Il ne faut pas vous compromettre. Une femme peut faire et doit
faire ces choses-la. Mais pour un homme politique dans votre position,
c'est autre chose. Un adversaire aurait beau jeu a se servir contre vous de
la plus louable de vos actions.
--Vous avez raison, dit mon pere. Faites suivant votre inspiration, ma
chere amie.
Un quart d'heure plus tard, l'abbe Poivron entrait dans le salon, et la
situation fut exposee, analysee, discutee sous toutes ses faces.
Si le marquis de Fumerol, un des grands noms de France, mourait sans les
secours de la religion, le coup assurement serait terrible pour la noblesse
en general et pour le comte de Tourneville en particulier. Les
libre-penseurs triompheraient. Les mauvais journaux chanteraient victoire
pendant six mois; le nom de ma mere serait traine dans la boue et dans la
prose des feuilles socialistes; celui de mon pere eclabousse. Il etait
impossible qu'une pareille chose arrivat.
Donc une croisade fut immediatement decidee qui serait conduite par l'abbe
Poivron, petit pretre gras et propre, vaguement parfume, un vrai vicaire de
grande eglise dans un quartier noble et riche.
Un landau fut attele et nous voici partis tous trois, maman, le cure et
moi, pour administrer mon oncle.
* * * * *
Il avait ete decide qu'on verrait d'abord Mme Melanie, auteur de la lettre
et qui devait etre la concierge ou la servante de mon oncle.
Je descendis en eclaireur devant une maison a sept etages et j'entrai dans
un couloir sombre ou j'eus beaucoup de mal a decouvrir le trou obscur du
portier. Cet homme me toisa avec mefiance.
Je demandai: "Madame Melanie, s'il vous plait?
--Connais pas!
--Mais, j'ai recu une lettre d'elle.
--C'est possible, mais connais pas. C'est quelque entretenue que vous
demandez?
--Non, une bonne,
|