avec Sam si Gaspard Hari
n'etait point revenu entre minuit et une heure du matin.
Et il fit ses preparatifs.
Il mit deux jours de vivres dans un sac, prit ses crampons d'acier, roula
autour de sa taille une corde longue, mince et forte, verifia l'etat de son
baton ferre et de la hachette qui sert a tailler des degres dans la glace.
Puis il attendit. Le feu brulait dans la cheminee; le gros chien ronflait
sous la clarte de la flamme; l'horloge battait comme un coeur ses coups
reguliers dans sa gaine de bois sonore.
Il attendait, l'oreille eveillee aux bruits lointains, frissonnant quand le
vent leger frolait le toit et les murs.
Minuit sonna; il tressaillit. Puis, comme il se sentait fremissant et
apeure, il posa de l'eau sur le feu, afin de boire du cafe bien chaud avant
de se mettre en route.
Quand l'horloge fit tinter une heure, il se dressa, reveilla Sam, ouvrit la
porte et s'en alla dans la direction du Wildstrubel. Pendant cinq heures,
il monta, escaladant des rochers au moyen de ses crampons, taillant la
glace, avancant toujours et parfois halant, au bout de sa corde, le chien
reste au bas d'un escarpement trop rapide. Il etait six heures environ,
quand il atteignit un des sommets ou le vieux Gaspard venait souvent a la
recherche des chamois.
Et il attendit que le jour se levat.
Le ciel palissait sur sa tete; et soudain une lueur bizarre, nee on ne sait
d'ou, eclaira brusquement l'immense ocean des cimes pales qui s'etendaient
a cent lieues autour de lui. On eut dit que cette clarte vague sortait de
la neige elle-meme pour se repandre dans l'espace. Peu a peu les sommets
lointains les plus hauts devinrent tous d'un rose tendre comme de la chair,
et le soleil rouge apparut derriere les lourds geants des Alpes bernoises.
Ulrich Kunsi se remit en route. Il allait comme un chasseur, courbe, epiant
des traces, disant au chien: "Cherche, mon gros, cherche."
Il redescendait la montagne a present, fouillant de l'oeil les gouffres, et
parfois appelant, jetant un cri prolonge, mort bien vite dans l'immensite
muette. Alors, il collait a terre l'oreille, pour ecouter; il croyait
distinguer une voix, se mettait a courir, appelait de nouveau, n'entendait
plus rien et s'asseyait, epuise, desespere. Vers midi, il dejeuna et fit
manger Sam, aussi las que lui-meme. Puis il recommenca ses recherches.
Quand le soir vint, il marchait encore, ayant parcouru cinquante kilometres
de montagne. Comme il se trouvait tro
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