e vieux
avait bien pris ce chemin; puis il se mit a longer les moraines d'un pas
plus rapide et plus inquiet.
Le jour baissait; les neiges devenaient roses; un vent sec et gele courait
par souffles brusques sur leur surface de cristal. Ulrich poussa un cri
d'appel aigu, vibrant, prolonge. La voix s'envola dans le silence de mort
ou dormaient les montagnes; elle courut au loin, sur les vagues immobiles
et profondes d'ecume glaciale, comme un cri d'oiseau sur les vagues de la
mer; puis elle s'eteignit et rien ne lui repondit.
Il se remit a marcher. Le soleil s'etait enfonce, la-bas, derriere les
cimes que les reflets du ciel empourpraient encore; mais les profondeurs de
la vallee devenaient grises. Et le jeune homme eut peur tout a coup. Il lui
sembla que le silence, le froid, la solitude, la mort hivernale de ces
monts entraient en lui, allaient arreter et geler son sang, raidir ses
membres, faire de lui un etre immobile et glace. Et il se mit a courir,
s'enfuyant vers sa demeure. Le vieux, pensait-il, etait rentre pendant son
absence. Il avait pris un autre chemin; il serait assis devant le feu, avec
un chamois mort a ses pieds.
Bientot il apercut l'auberge. Aucune fumee n'en sortait. Ulrich courut plus
vite, ouvrit la porte. Sam s'elanca pour le feter, mais Gaspard Hari
n'etait point revenu.
Effare, Kunsi tournait sur lui-meme, comme s'il se fut attendu a decouvrir
son compagnon cache dans un coin. Puis il ralluma le feu et fit la soupe,
esperant toujours voir revenir le vieillard.
De temps en temps, il sortait pour regarder s'il n'apparaissait pas. La
nuit etait tombee, la nuit blafarde des montagnes, la nuit pale, la nuit
livide qu'eclairait, au bord de l'horizon, un croissant jaune et fin pret a
tomber derriere les sommets.
Puis le jeune homme rentrait, s'asseyait, se chauffait les pieds et les
mains en revant aux accidents possibles.
Gaspard avait pu se casser une jambe, tomber dans un trou, faire un faux
pas qui lui avait tordu la cheville. Et il restait etendu dans la neige,
saisi, raidi par le froid, l'ame en detresse, perdu, criant peut-etre au
secours, appelant de toute la force de sa gorge dans le silence de la nuit.
Mais ou? La montagne etait si vaste, si rude, si perilleuse aux environs,
surtout en cette saison, qu'il aurait fallu etre dix ou vingt guides et
marcher pendant huit jours dans tous les sens pour trouver un homme en
cette immensite.
Ulrich Kunsi, cependant, se resolut a partir
|