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ire moins de pas, et, la tete pesante, le sang bourdonnant aux tempes, les yeux rouges, la bouche seche, il serrait son baton dans sa main avec l'envie vague de frapper a tour de bras sur le premier passant qu'il rencontrerait rentrant chez lui manger la soupe. Il regardait les bords de la route avec l'image, dans les yeux, de pommes de terre defouies, restees sur le sol retourne. S'il en avait trouve quelques-unes, il eut ramasse du bois mort, fait un petit feu dans le fosse, et bien soupe, ma foi, avec le legume chaud et rond, qu'il eut tenu d'abord, brulant, dans ses mains froides. Mais la saison etait passee, et il devrait, comme la veille, ronger une betterave crue, arrachee dans un sillon. Depuis deux jours il parlait haut en allongeant le pas sous l'obsession de ses idees. Il n'avait guere pense, jusque-la, appliquant tout son esprit, toutes ses simples facultes, a sa besogne professionnelle. Mais voila que la fatigue, cette poursuite acharnee d'un travail introuvable, les refus, les rebuffades, les nuits passees sur l'herbe, le jeune, le mepris qu'il sentait chez les sedentaires pour le vagabond, cette question posee chaque jour: "Pourquoi ne restez-vous pas chez vous?" le chagrin de ne pouvoir occuper ses bras vaillants qu'il sentait pleins de force, le souvenir des parents demeures a la maison et qui n'avaient guere de sous, non plus, l'emplissaient, peu a peu d'une colere lente, amassee chaque jour, chaque heure, chaque minute, et qui s'echappait de sa bouche, malgre lui, en phrases courtes et grondantes. Tout en trebuchant sur les pierres qui roulaient sous ses pieds nus, il grognait: "Misere... misere... tas de cochons... laisser crever de faim un homme... un charpentier... tas de cochons... pas quatre sous... pas quatre sous... v'la qu'il pleut... tas de cochons!..." Il s'indignait de l'injustice du sort et s'en prenait aux hommes, a tous les hommes, de ce que la nature, la grande mere aveugle, est inequitable, feroce et perfide. Il repetait, les dents serrees: "Tas de cochons!" en regardant la mince fumee grise qui sortait des toits, a cette heure du diner. Et, sans reflechir a cette autre injustice, humaine celle-la, qui se nomme violence et vol, il avait envie d'entrer dans une de ces demeures, d'assommer les habitants et de se mettre a table, a leur place. Il disait: "J'ai pas le droit de vivre, maintenant... puisqu'on me laisse crever de faim... je ne demande qu'a travailler, pourtant...
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