p loin de sa maison pour y rentrer, et
trop fatigue pour se trainer plus longtemps, il creusa un trou dans la
neige et s'y blottit avec son chien, sous une couverture qu'il avait
apportee. Et ils se coucherent l'un contre l'autre, l'homme, et la bete,
chauffant leurs corps l'un a l'autre et geles jusqu'aux moelles cependant.
Ulrich ne dormit guere, l'esprit hante de visions, les membres secoues de
frissons.
Le jour allait paraitre quand il se releva. Ses jambes etaient raides comme
des barres de fer, son ame faible a le faire crier d'angoisse, son coeur
palpitant a le laisser choir d'emotion des qu'il croyait entendre un bruit
quelconque.
Il pensa soudain qu'il allait aussi mourir de froid dans cette solitude, et
l'epouvante de cette mort, fouettant son energie, reveilla sa vigueur.
Il descendait maintenant vers l'auberge, tombant, se relevant, suivi de
loin par Sam, qui boitait sur trois pattes.
Ils atteignirent Schwarenbach seulement vers quatre heures de l'apres-midi.
La maison etait vide. Le jeune homme fit du feu, mangea et s'endormit,
tellement abruti qu'il ne pensait plus a rien.
Il dormit longtemps, tres longtemps, d'un sommeil invincible. Mais soudain,
une voix, un cri, un nom: "Ulrich", secoua son engourdissement profond et
le fit se dresser. Avait-il reve? Etait-ce un de ces appels bizarres qui
traversent les reves des ames inquietes? Non, il l'entendait encore, ce cri
vibrant, entre dans son oreille et reste dans sa chair jusqu'au bout de ses
doigts nerveux. Certes, on avait crie; on avait appele: "Ulrich!" Quelqu'un
etait la, pres de la maison. Il n'en pouvait douter. Il ouvrit donc la
porte et hurla: "C'est toi, Gaspard!" de toute la puissance de sa gorge.
Rien ne repondit; aucun son, aucun murmure, aucun gemissement, rien. Il
faisait nuit. La neige etait bleme.
Le vent s'etait leve, le vent glace qui brise les pierres et ne laisse rien
de vivant sur ces hauteurs abandonnees. Il passait par souffles brusques
plus dessechants et plus mortels que le vent de feu du desert. Ulrich, de
nouveau, cria: "Gaspard!--Gaspard!--Gaspard!"
Puis il attendit. Tout demeura muet sur la montagne! Alors, une epouvante
le secoua jusqu'aux os. D'un bond il rentra dans l'auberge, ferma la porte
et poussa les verrous; puis il tomba grelottant sur une chaise, certain
qu'il venait d'etre appele par son camarade au moment ou il rendait
l'esprit.
De cela il etait sur, comme on est sur de vivre ou de manger du pain
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