du Valais
dont les separait la profonde et large vallee du Rhone.
C'etait, au loin, un peuple de sommets blancs, inegaux, ecrases ou pointus
et luisants sous le soleil: le Mischabel avec ses deux cornes, le puissant
massif du Wissehorn, le lourd Brunnegghorn, la haute et redoutable pyramide
du Cervin, ce tueur d'hommes, et la Dent-Blanche, cette monstrueuse
coquette.
Puis, au-dessous d'eux, dans un trou demesure, au fond d'un abime
effrayant, ils apercurent Loeche, dont les maisons semblaient des grains de
sable jetes dans cette crevasse enorme que finit et que ferme la Gemmi, et
qui s'ouvre, la-bas, sur le Rhone.
Le mulet s'arreta au bord du sentier qui va, serpentant, tournant sans
cesse et revenant, fantastique et merveilleux, le long de la montagne
droite, jusqu'a ce petit village presque invisible, a son pied. Les femmes
sauterent dans la neige.
Les deux vieux les avaient rejoints.
--Allons, dit le pere Hauser, adieu et bon courage, a l'an prochain, les
amis.
Le pere Hari repeta: "A l'an prochain."
Ils s'embrasserent. Puis Mme Hauser, a son tour, tendit ses joues; et la
jeune fille en fit autant.
Quand ce fut le tour d'Ulrich Kunsi, il murmura dans l'oreille de Louise:
"N'oubliez point ceux d'en-haut." Elle repondit "non" si bas, qu'il devina
sans l'entendre.
--Allons, adieu, repeta Jean Hauser, et bonne sante.
Et, passant devant les femmes, il commenca a descendre.
Ils disparurent bientot tous les trois au premier detour du chemin.
Et les deux hommes s'en retournerent vers l'auberge de Schwarenbach.
Ils allaient lentement, cote a cote, sans parler. C'etait fini, ils
resteraient seuls, face a face, quatre ou cinq mois.
Puis Gaspard Hari se mit a raconter sa vie de l'autre hiver. Il etait
demeure avec Michel Canol, trop age maintenant pour recommencer; car un
accident peut arriver pendant cette longue solitude. Ils ne s'etaient pas
ennuyes, d'ailleurs; le tout etait d'en prendre son parti des le premier
jour; et on finissait par se creer des distractions, des jeux, beaucoup de
passe-temps.
Ulrich Kunsi l'ecoutait, les yeux baisses, suivant en pensee ceux qui
descendaient vers le village par tous les festons de la Gemmi.
Bientot ils apercurent l'auberge, a peine visible, si petite, un point noir
au pied de la monstrueuse vague de neige.
Quand ils ouvrirent, Sam, le gros chien frise, se mit a gambader autour
d'eux.
--Allons, fils, dit le vieux Gaspard, nous n'avons plus de femm
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