evoquer en doute cette assertion si elle ne se produisait pas
tres frequemment, ce qui semble exclure tout mensonge.
Enfin, reste la derniere question, la plus compliquee de toutes, celle qui
le plus souvent n'obtient pas de reponse, et qui embarrasse beaucoup les
enfants. Quand ils nous ont dit qu'ils se sont apercus depuis longtemps,
par exemple en marquant le 8e point, qu'ils faisaient les lignes trop
longues, alors, tout naturellement, vient la pensee de leur demander:
"_Pourquoi avez-vous continue a faire des lignes trop longues, apres que
vous vous etes apercu que vous vous trompiez_?" Cette question ressemble un
peu a un reproche, et c'est sans doute pour ce motif que beaucoup d'enfants
hesitent a repondre, rougissent ou font la moue. Du reste, ces signes de
fausse honte, beaucoup d'enfants les donnent, meme pendant l'experience;
j'en ai vu plusieurs qui hochaient la tete, rougissaient et paraissaient
tres ennuyes pendant qu'ils marquaient leurs points, c'est une chose
vraiment curieuse qu'une petite experience aussi inoffensive que celle
consistant a reproduire des longueurs de lignes puisse troubler certaines
tetes. C'est donc par le silence que beaucoup d'enfants se tirent
d'embarras; silence obstine, regard fuyant; il y a de grands garcons de
quatorze ans qu'on ne peut pas tirer de cette attitude. D'autres repondent
simplement: "Je ne sais pas", ce qui est a peu pres la meme chose. Les
trois quarts d'enfants d'ecole ne trouvent pas d'autre reponse. D'autres
enfin donnent un motif. Ce motif est-il exact? Dans un nombre de cas,
il est manifestement faux, dans d'autres cas il est au contraire assez
vraisemblable, et la nature des raisons alleguees jette un jour assez vif
sur le mecanisme de la suggestion. Citons quelques exemples:
Van, enfant tres jeune, tres intelligent, tres vif.
_D_.--Pourquoi as-tu continue a faire les lignes trop grandes?
_R_.--Parce que je voulais toujours passer un carre.
_D_.--Pourquoi voulais-tu toujours passer un carre?
_R_.--Pour que cela fasse plus beau.
Un autre, a la meme question, repond naivement: "Parce que je pensais que
cela ne faisait rien qu'elles fussent grandes ou petites."
Ce sont la probablement des motifs trouves apres coup, des justifications
inventees a plaisir. D'autres eleves nous donnent des raisons qui nous
paraissent assez vraisemblables; l'un, tout jeune, Diem, a qui je dis:
"Pourquoi as-tu continue a faire les lignes trop grandes, quand tu t'es
apercu
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