se, du temps
de Paul 1er, qui tous avaient les cheveux noirs et le nez
retrousse; vingt autres joujoux eclatants et magnifiques.
[15]Puis, en rentrant chez lui, doucement berce sur les
coussins de son coupe bien suspendu, l'homme riche, qui apres
tout, avait des entrailles de pere, se mit a penser a son
fils avec orgueil.
L'enfant grandirait, recevrait l'education d'un prince,
[20]en serait un, parbleu! puisque, grace aux conquetes de
89, il n'y avait plus d'aristocratie que celle de l'argent, et
que Raoul aurait, un jour, vingt, vingt-cinq, qui sait?
trente millions de capital. Si son pere, petit provincial,
fils d'un mechant noircisseur de papier timbre; son pere,
[25]qui avait dine a vingt sous jadis au Quartier Latin, et se
rendait bien compte chaque soir, en mettant sa cravate
blanche, qu'il avait l'air d'un marie du samedi; si ce pere,
malgre sa tache originelle, avait pu accumuler une enorme
fortune, devenir fraction de roi sous la Republique parlementaire
[30]et obtenir en mariage une demoiselle dont un ancetre
etait mort a Marignan, a quoi donc ne pouvait pas
pretendre Raoul, des l'enfance beau comme un gentilhomme.
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Raoul au sang affine par l'atavisme maternel, Raoul de
qui l'intelligence serait cultivee comme une fleur rare, qui
apprenait deja les langues etrangeres des le berceau, qui,
l'an prochain, aurait le derriere sur une selle de poney,
[5]Raoul, qui serait un jour autorise a joindre a son nom
celui de sa mere, et s'appellerait ainsi Godefroy de
Neufontaine, Godefroy devenant le prenom, et quel prenom!
royal, moyenageux, sentant a plein nez la croisade?...
Avec des millions, quel avenir! quelle carriere!... Et le
[10]democrate--il y en a plus d'un comme celui-ci, n'en
doutez pas!--imaginait naivement la monarchie restauree,--en
France, tout arrive,--voyait son Raoul,
non! son Godefroy de Neufontaine marie au Faubourg,
bien vu au chateau, puis, qui sait? tout pres du trone,
[15]avec une clef de chambellan dans le dos et un blason tout
battant neuf sur son argenterie et sur les panneaux de son
carrosse!... O sottise, sottise! Ainsi revait le parvenu
gorge d'or, dans sa voiture qu'encombraient tous ces joujoux
achetes pour la Noel,--sans se rappeler, helas! que
[20]c'etait, ce soir-la, la fete d'un tres pauvre petit enfant, fils
d'un couple vagabond, ne dans une etable, ou l'on avait
loge ses parents par charite.
Mais le cocher a crie: "Port' siou p'ait!" On rentre a
l'hotel; et,
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